Grève des transports en commun urbains : La seule conduite qui tienne...27/04/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/04/une-1711.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Grève des transports en commun urbains : La seule conduite qui tienne...

Pour la cinquième fois en quelques semaines, les travailleurs des réseaux de transports urbains, bus et métros des grandes villes du pays ont massivement fait grève lundi 23 avril. A Marseille, Toulouse, Caen, Grenoble, Nancy, Lyon, Nantes, comme dans bien d'autres villes, ils revendiquent le départ à la retraite à taux plein dès 55 ans.

L'ampleur de la grève montre combien ces travailleurs tiennent à cette revendication qui est déjà une réalité pour les agents de la RATP parisienne. Dans cette entreprise, les conducteurs de bus peuvent même prendre leur retraite dès 50 ans s'ils disposent des annuités nécessaires, cinq années de conduite donnant une annuité de cotisation supplémentaire.

Cela n'a rien à voir avec une quelconque générosité patronale. Mais après des décennies de conduite, à Paris comme en province, la plupart des conducteurs sont usés. Il y a les incidents avec les automobilistes et les voyageurs, suffisamment nombreux pour rendre le travail difficile et démoralisant. Il y a les roulements, les horaires décalés, l'allongement de l'amplitude de la journée de travail, les réveils en pleine nuit qui fatiguent tout l'organisme.

Cela est tellement vrai qu'actuellement les trois quarts des salariés du secteur entre 55 et 60 ans ne sont plus à la conduite, mais en préretraite ou en inaptitude au travail, entre autres.

Mais les patrons ne veulent rien entendre. Ils ont même le culot de parler "de solidarité entre les générations, à l'heure où pèsent les incertitudes sur le maintien de la retraite à 60 ans", rappelant que le MEDEF bataille pour reculer l'âge de la retraite. Il n'est donc pas question pour eux d'imaginer l'avancer. D'autant moins d'ailleurs que la retraite à 55 ans aurait, selon eux, un coût "exorbitant" !

Ainsi, les patrons des entreprises privées, qui exploitent dans de très nombreuses villes les transports en commun, opposent une fin de non-recevoir aux revendications des quelque 36 000 conducteurs et contrôleurs. Il faut pourtant rappeler qu'ils ne s'agit pas de patrons sans le sou (à supposer que cela existe) et pleurant misère. Les transports en commun dans la plupart des grandes villes de province sont entre les mains, même indirectement, de groupes capitalistes privés puissants. En dehors de l'Ile-de- France, le marché est accaparé à 65 % par trois sociétés : Via Transport-GTI du groupe Navigation Mixte ; Transcet appartenant à la Caisse des Dépôts ; CGEA-CGFTE, filiale de Vivendi. Trois autres transporteurs se partagent encore 11 % du marché, dont Cariane, une filiale de la SNCF.

Pour toutes ces entreprises privées, le transport de voyageurs en ville est une opportunité pour faire du profit et seulement pour cela. Les pouvoirs publics n'ont jamais donné la priorité aux transports en commun, qui ne satisfont paraît-il qu'environ 50 % des besoins de la population sur l'ensemble de l'hexagone. Là où elles interviennent, les sociétés privées quant à elles ne font pas mieux, mais pire, avec des tarifs encore plus élevés et des services notoirement insuffisants, ne desservant pas tous les secteurs, avec des bus peu fréquents et s'arrêtant tôt en soirée, pratiquement inexistants le week-end. Les besoins des usagers sont très loin de leurs préoccupations. Quant à ceux des travailleurs de ces entreprises, et des plus anciens d'entre eux, c'est évidemment le cadet de leurs soucis.

Dans de nombreuses villes, que les transports en commun y soient entre les mains d'entreprises privées ou de régies municipales, les travailleurs ont réaffirmé leur droit, après une vie de travail où l'on embauche souvent avant l'aube et où l'on ne sait pas quand on débauche, tout en conduisant toute la journée dans des conditions difficiles, de partir avec une retraite entière à 55 ans. D'autres journées de grève sont d'ores et déjà annoncées en mai. Ces travailleurs ont raison. Car quelles que soient le nombre des réunions de négociations prévues entre les organisations syndicales et les patrons ou les directions, c'est bien dans leur mobilisation et leurs luttes que résident leur force et leur seule chance d'obtenir satisfaction.

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