Afrique du Sud : Une "urgence sanitaire" : renverser le capitalisme27/04/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/04/une-1711.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Afrique du Sud : Une "urgence sanitaire" : renverser le capitalisme

Confrontés à la campagne mondiale de protestation qu'avait déclenchée leur attitude indécente, les 39 trusts pharmaceutiques qui prétendaient interdire à l'Afrique du Sud d'utiliser des médicaments génériques contre le SIDA ont retiré leur plainte, ayant obtenu du gouvernement sud-africain de négocier directement cette question.

Ce pays, après d'autres comme le Brésil ou l'Inde, avait voté en 1997 une loi l'autorisant à produire ou à importer ces médicaments génériques, au nom de "l'urgence sanitaire". L'invocation de cette clause est en effet la seule petite échappatoire laissée aux pays pauvres à l'issue des négociations internationales pour ne pas subir la loi, et les prix, des géants mondiaux de la pharmacie. Et en Afrique du Sud, où il y a presque 5 millions de séropositifs, cela fait toute la différence. Un traitement par une combinaison d'antirétroviraux génériques peut coûter ainsi 300 dollars par an au lieu de 15 000 ! Même si cela est encore trop élevé pour la population des quartiers pauvres d'Afrique du Sud, et si cela ne résout en rien le problème des structures sanitaires quasi-inexistantes, une telle baisse du prix des médicaments ne peut qu'aider considérablement tous ceux qui luttent contre la maladie.

C'est pourtant cette loi de sauvegarde élémentaire qu'avaient choisi d'attaquer les dirigeants de Glaxo Wellcome, Aventis, Bayer et autres. Ils ne l'ont bien sûr pas fait en invoquant leur droit à faire des profits mirobolants et à verser à leurs actionnaires des dividendes qui ne cessent d'augmenter. C'est le respect de la "propriété intellectuelle" qu'ils ont mis en avant, leur monopole sur les médicaments dont ils détiennent les brevets, et l'argument qu'ils ont besoin de ces bénéfices fabuleux pour développer la recherche de nouveaux médicaments.

Mais les bénéfices en question ne servent que bien partiellement pour cette recherche. Des universités américaines ont d'ailleurs profité du procès pour rappeler qu'une partie de cette recherche, dont les laboratoires privés s'attribuent les dividendes, est faite avec des chercheurs et des fonds qui ne sont pas ceux des trusts en question. Et au bout du compte, devant la perspective d'un procès qui aurait pu mobiliser l'opinion publique des pays riches, c'est-à-dire de leurs clients, contre elles, les compagnies pharmaceutiques ont préféré reculer... pour cette fois-ci. Car nul doute qu'elles vont continuer, par des moyens plus discrets et sans doute plus efficaces, à essayer d'imposer leur loi.

Cette dictature du profit vis-à-vis des pays pauvres dans le domaine de la santé est d'ailleurs loin de s'exercer pour les seuls médicaments contre le SIDA. Bien des produits connus et efficaces, contre les infections pulmonaires ou les méningites par exemple, ne peuvent pas être utilisés en Afrique à cause de leurs coûts. Et encore, pour ceux-ci, des génériques vont-ils peut-être enfin pouvoir être utilisés. Mais si ces médicaments ont été développés par l'industrie pharmaceutique, c'est parce qu'ils s'attaquent à des affections qui frappent aussi les pays riches, où existe un marché solvable. Pour les maladies spécifiques aux régions pauvres, comme le paludisme ou la maladie du sommeil, rien n'est entrepris faute de rentabilité.

Autant dire qu'au-delà des concessions très relatives qui pourraient être obtenues des grandes compagnies pharmaceutiques, il est urgent de renverser cette société qui fait de la vie de millions d'êtres humains une simple affaire de gros sous !

Partager