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Turquie : Dans les prisons, le gouvernement tue
Tandis que la Turquie s'enfonce dans une grave crise économique, le mouvement de grève de la faim, suivi par des centaines de prisonniers politiques et leurs proches, se solde par un nombre croissant de victimes. Ainsi, lundi 16 avril, l'association turque des droits de l'homme a fait état d'un treizième décès, ce qui porte à onze le nombre de prisonniers décédés et à deux celui des proches, participant à une grève de la faim en signe de solidarité.
Ces grèves de la faim ont été lancées en novembre dernier par près de huit cents prisonniers, membres d'organisations d'extrême gauche, pour protester contre leur transfert vers de nouvelles prisons à cellules d'isolement, dite prisons de type F. Ces grévistes ont été rejoints par des proches qui, à l'extérieur, observent une grève de la faim tout aussi stricte. Selon des médecins, plus de cent vingt personnes seraient aujourd'hui dans un état critique.
Pour tenter de se justifier, le gouvernement turc argue que les prisons actuelles comptent de nombreux dortoirs surpeuplés et sont, en fait, sous la coupe des organisations terroristes. En fait, elles sont surtout sous la coupe de diverses mafias vis-à-vis desquelles le gouvernement affiche une grande complaisance ; il a d'ailleurs récemment décidé d'amnistier plusieurs milliers de prisonniers de droit commun, mais pas les prisonniers politiques.
Déjà en décembre, le gouvernement avait tenté une épreuve de force pour briser le mouvement de protestation des politiques. L'intervention particulièrement brutale de la gendarmerie dans une vingtaine de pénitenciers s'était soldée par une trentaine de morts parmi les prisonniers.
Le gouvernement accuse la plupart de ces prisonniers d'actes terroristes ou d'appartenance à des organisations terroristes. En réalité, dans ce pays que beaucoup de dirigeants occidentaux, à commencer par les dirigeants américains, considèrent comme une démocratie et qui brigue une adhésion à l'Union européenne, il faut peu de chose pour tomber sous le coup de telles accusations : il suffit d'avoir crié un slogan, distribué un tract ou simplement participé à un collage d'affiches.
Ce que le gouvernement turc recherche, ce n'est pas à humaniser ses prisons mais à briser les opposants d'extrême gauche qu'il y détient. Et les établissements pénitentiaires de " type F " ont été conçus pour aller dans ce sens. A la suite des prisonniers et de leurs familles, le vice-président du barreau d'Istanbul a récemment dénoncé ces vastes complexes permettant surtout l'isolement des détenus, où les seuls contacts avec l'extérieur se réduisent à " une visite de leur famille tous les quinze jours et de leur avocat toutes les semaines. Et encore ! ". D'autres personnalités ont fait état de passages à tabac et de tortures.
Les prisonniers politiques turcs n'ont donc pas beaucoup de solutions pour résister à l'arbitraire et se faire entendre. Quant au gouvernement turc, par son intransigeance, il se rend pleinement responsable de leur mort.