Grande-Bretagne : Le contrôle aérien et les privatisations travaillistes20/04/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/04/une-1710.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Le contrôle aérien et les privatisations travaillistes

On pourrait penser que le scandale causé depuis plusieurs années déjà par les conséquences de la privatisation des chemins de fer aurait conduit le gouvernement travailliste de Tony Blair à renoncer à toute mesure de privatisation. Eh bien, pas du tout. Début avril, le contrôle aérien britannique - organisation vitale pour la sécurité du public s'il en est - a été en effet privatisé après une série de tentatives ratées.

En fait, dans la dernière ligne droite précédant les élections législatives anticipées attendues pour le 7 juin, le gouvernement Blair a mis les bouchées doubles pour démontrer sa détermination de mener à terme le programme de privatisations lancé par les conservateurs dans les années 1980, et même d'aller bien au-delà de ce que ceux-ci avaient osé envisager, au moins publiquement.

Blair poursuit le programme de Thatcher

Car les prédécesseurs de Blair avaient laissé quelques fleurons dans l'escarcelle étatique : Royal Mint (qui produit billets et pièces de monnaie), le Tote (équivalent du pari mutuel), BNFL (entreprise constituée autour de l'usine d'enrichissement nucléaire de Sellafield et des huit plus vieilles centrales nucléaires du pays, après que les centrales plus récentes avaient été privatisées), NATS (le contrôle aérien), la poste et LUL (le métro londonien).

Royal Mint et le Tote ont été privatisés dans l'année qui a suivi le retour au pouvoir des travaillistes. BNFL aurait suivi le même chemin en 1999 si n'avait éclaté le scandale des certificats falsifiés dont BNFL se servait pour couvrir le transfert en Allemagne et au Japon de substances dont le niveau de radioactivité était bien supérieur à celui indiqué. Du coup la privatisation a été repoussée... jusqu'en 2002, le temps de " renouveler " la direction de BNFL (mais à ce jour aucune poursuite n'a pour autant été intentée contre les coupables).

Le contrôle aérien a posé de tout autres problèmes à Blair. Sa privatisation n'était pas seulement impopulaire dans l'électorat travailliste mais également dans une grande partie de l'électorat flottant de la petite bourgeoisie, principale utilisatrice des transports aériens. C'est d'ailleurs pour cette raison que les conservateurs, malgré leur admiration proclamée pour Reagan et la défaite qu'il avait infligée aux grévistes du contrôle aérien aux USA, ne l'avaient jamais incluse dans leurs plans. Au contraire, Blair a mis un point d'honneur à donner sa caution au secteur privé en insistant sur la nécessité de cette privatisation. Le seul problème a été de trouver un preneur. Or le seul qui s'est présenté avec quelques garanties financières a été la multinationale de services Serco, dont la réputation de cow-boy sans scrupules n'est plus à faire - dans les chemins de fer entre autres.

Finalement, le gouvernement travailliste a dû employer les grands moyens. Début avril a été constituée une société par actions du contrôle aérien dans laquelle l'Etat conserve 49 % des parts, tandis que 5 % vont au personnel et 46 % à un consortium formé par les huit principales compagnies aériennes britanniques. L'opération n'aura rien coûté aux compagnies en question puisque le coût de l'opération se limite pour elles à... la promesse d'investir dix milliards de francs dans le système dans les dix années à venir. Cela ne les engage pas à grand-chose. D'autant moins que la participation de l'Etat garantit qu'en cas de problème, celui-ci sera là pour payer la note. Pour faire passer la pilule, Blair a présenté la nouvelle compagnie privée comme un " partenariat sans but lucratif entre l'Etat et le secteur privé. " Sans but lucratif ? A d'autres ! C'est un langage que des requins du ciel comme British Airways et British Midlands ne connaissent pas !

Résistance dans la poste et le métro

Restent donc la poste et le métro londonien, dont la privatisation se heurte à l'hostilité quasi unanime de l'opinion publique. Mais qu'importe pour les travaillistes : leur tour de passe-passe consistera, comme dans le cas du contrôle aérien, à ne pas prononcer le mot de privatisation.

Ainsi, depuis le 1er avril, la poste est devenue Consignia PLC, une société par actions de droit privé dont le capital est (pour l'instant) détenu à 100 % par l'Etat. Mais cela fait déjà deux ans qu'un plan de sectorisation en " centres de profit autonomes " est en cours, assez similaire au processus qui, de 1994 à 1996, conduisit à l'éclatement des chemins de fer en une multitude d'entreprises privatisées.

Pour ce qui est du métro londonien, les choses se sont révélées plus compliquées. Le plan adopté par le gouvernement Blair consiste à conserver dans le cadre de LUL la propriété de l'infrastructure et du matériel roulant ainsi que la responsabilité du trafic voyageurs. En revanche, trois concessionnaires privés se verraient attribuer pour trente ans la maintenance et le renouvellement des voies et de la signalisation - moyennant rétribution pour leurs services par LUL et une subvention annuelle de 9 milliards de francs.

Mais ni les travailleurs du métro ni ceux de la poste ne sont dupes de ces privatisations tordues qui ne veulent pas dire leur nom.

Dans le métro, le délabrement est indescriptible, au point, par exemple, que les électriciens de maintenance ont pour consigne de ne pas toucher à certains circuits de signalisation de peur de provoquer une panne générale susceptible de paralyser le réseau pour une durée indéterminée. De là à craindre que les plans de Blair ne finissent en catastrophe analogue aux chemins de fer, il n'y a pas loin. Et c'est en particulier pourquoi le métro a déjà été totalement paralysé par deux grèves de 24 heures depuis le début de l'année, malgré les réticences évidentes des syndicats à organiser quoi que ce soit. Quant aux postiers, eux aussi s'opposent au processus de privatisation, par d'innombrables grèves sauvages (car les directions syndicales, elles, sont pour la privatisation) qui se multiplient dans tout le pays contre l'introduction de la flexibilité des horaires et la transformation d'emplois permanents en emplois précaires. Alors peut-être verra-t-on Blair contraint de faire machine arrière face à la résistance des travailleurs. En tout cas, c'est ce que l'on peut souhaiter.

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