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- Lutte ouvrière n°1708
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Serbie : Milosevic en prison - c'est tout le système impérialiste qui est à condamner
Milosevic arrêté à Belgrade pour "association de malfaiteurs et détournements de fonds - ce qu'il pratiquait en grand, avec son clan, sa famille, ses ministres -, mais alors qu'il porte par ailleurs une grande part de responsabilité dans les quelque 250 000 morts de Croatie et de Bosnie, les millions de personnes déplacées, les ravages en tous genres qui ont depuis dix ans ensanglanté les territoires de l'ex-Yougoslavie, cela peut apparaître un peu léger.
C'est en tout cas dans la ligne politique du régime de Kostunica, qui avait d'emblée, avant et après sa victoire électorale de septembre 2000, assuré qu'il n'entendait pas transférer le dictateur déboulonné devant le tribunal pénal international de La Haye, tribunal dont il contestait la légitimité. Kostunica est lui aussi un nationaliste serbe, et les nationalistes serbes, s'ils reprochent quelque chose à Milosevic à propos des guerres menées en Yougoslavie au cours de ces dix années, c'est de les avoir perdues, d'avoir échoué à concrétiser leurs rêves de "Grande Serbie .
De toute façon, si Kostunica, président de la mini-Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ainsi que le gouvernement de Serbie dirigé par Zoran Djindjic n'ont fini par procéder à l'arrestation de Milosevic que, semble-t-il, sous la menace d'une suspension de l'aide américaine au 31 mars, et s'ils le gardent à Belgrade, du moins jusqu'à nouvel ordre, cela est lié aussi à la nécessité dans laquelle ils sont de compter avec les sentiments de fierté nationaliste largement répandus en Serbie et d'éviter de les prendre brutalement à rebrousse-poil.
Il est sans nul doute d'autant plus délicat pour eux d'avoir l'air de céder à l'OTAN et aux Américains que le courant ultra-nationaliste n'a pas disparu de la scène politique. Pour ce qui concerne l'appareil de l'État, le "ménage n'est pas allé loin avec la passation des pouvoirs même parmi les barons de l'époque Milosevic, et à plus forte raison dans la police et l'armée. Alors, se démarquer de Milosevic pour son pillage du pays, sans renier pourtant les ambitions du nationalisme serbe relève d'un équilibre difficile. D'autant que, sur le plan économique et social, le nouveau régime n'a pas grand-chose à offrir pour améliorer concrètement le sort de la population.
L'hypocrisie des dirigeants impérialistes
Pour autant, les dirigeants occidentaux qui réclament que Milosevic soit jugé par leur tribunal international pour "crimes contre l'humanité commis au Kosovo ne manquent pas d'hypocrisie !
Milosevic est tombé en disgrâce auprès d'eux vers 1998-1999, après avoir été considéré comme l'incontournable homme de la paix en Bosnie en 1995. En fait, ces dirigeants occidentaux patronnaient depuis 1990 les crimes et les guerres qu'ils imputent aujourd'hui à Milosevic. C'est avec leur accord que la Yougoslavie a été disloquée ; que la Slovénie s'est senti les ailes suffisantes pour faire, la première, bande à part ; que Milosevic et son acolyte de Croatie, Tudjman, se sont rencontrés et entendus pour diviser la Bosnie-Herzégovine selon des plans discutés aussi à Genève, Londres, Washington ; que tous les petits chefs nationalistes des différentes "républiques nouvellement nées ont eu les coudées franches.
Cette décennie a effectivement été jalonnée par d'innombrables crimes contre l'humanité, de Vukovar à Sarajevo, de Srebrenica au Kosovo, et aujourd'hui on peut craindre ce qui peut se passer en Macédoine. Mais les dirigeants des puissances impérialistes ne sont pas près d'être transférés à La Haye !
Quant à la campagne de raids aériens, de bombardements dirigés contre les populations civiles, de destructions économiques systématiques, menée en 1999 par les dirigeants occidentaux au moyen de l'OTAN en Serbie et au Kosovo, n'était-ce pas un crime contre l'humanité ? Ce n'était pas une guerre contre Milosevic et son armée, que l'OTAN a remise en selle
Il y a deux ans, on a servi aux peuples un peu partout tout un tas de considérations vertueuses pour justifier ce qui n'était qu'une variante de la vieille politique impérialiste de la canonnière ; on a invoqué un "devoir d'ingérence humanitaire comme couverture à une opération guerrière, présentée comme "juste et menée "au nom de la morale , par les dirigeants impérialistes et soutenue par la plus grande partie des médias. Qu'à cela ne tienne : leur tribunal de La Haye, créé quelques années auparavant (son pendant existe pour les massacres commis au Rwanda), peut jouer un rôle dans la mise en scène.
On peut concevoir que, pour ces bonnes âmes des gouvernements occidentaux, un "jugement rendu à La Haye contre Milosevic serait bienvenu pour donner à ce tribunal une apparence de crédibilité. Bien que certains responsables occidentaux restent néanmoins prudents à cet égard.
Les tribunaux de ce genre - comme par exemple le tribunal de Nuremberg à la fin de la Deuxième Guerre mondiale - ne sont qu'une opération de façade, qui ne dédouane en aucune façon les responsables de l'impérialisme.