Pour le gouvernement, le patronat peut licencier mais il devrait y mettre les formes06/04/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/04/une-1708.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Pour le gouvernement, le patronat peut licencier mais il devrait y mettre les formes

A un an des élections présidentielle et législatives de 2002, la majorité gouvernementale n'a pu que constater, à l'occasion du dernier scrutin municipal, une désaffection de l'électorat populaire à son égard. Dans ces conditions, devant l'émotion soulevée par l'annonce simultanée, à la fin de la semaine dernière, de 570 suppressions d'emplois chez Danone, et de 1 700 dans les magasins de Marks & Spencer en France (sans compter les 2 690 emplois supprimés par ce groupe dans le reste de l'Europe), les dirigeants de la gauche gouvernementale se sont vu obligés de protester contre ces mesures.

Au sein du Parti Socialiste, un certain nombre d'élus, inquiets pour leur avenir, réclamaient quelques mesures en direction de l'électorat populaire. Mais Jospin a écarté toute idée de changement de cap. Son seul geste "social a été de critiquer la manière dont la fermeture des magasins Marks & Spencer avait été annoncée. C'est un truc pour avoir l'air de critiquer la politique patronale sans s'y opposer. Un truc qu'il avait déjà utilisé lors de la fermeture de l'usine Renault de Vilvoorde et de l'annonce, il y a quelques mois, de milliers de suppressions d'emplois chez Michelin. Pour Jospin, les patrons peuvent licencier, même quand leurs entreprises engrangent des milliards de bénéfices, mais il faut qu'ils y mettent les formes. Plus hypocrite que lui, c'est difficile !

Les Verts ont adopté un air un peu plus critique, mais ce ne sont pas eux qui décident. Et s'opposer à Jospin, ils ne le veulent pas, d'autant qu'ils se sont surtout préoccupés, lors de leur Conseil national de dimanche, du nombre de sièges de députés que le Parti Socialiste pourrait leur concéder l'an prochain.

C'est du côté de la direction du Parti Communiste qu'était venue, au sein de la "gauche plurielle", la plus forte demande d'un "changement de cap . C'est de là aussi qu'ont émané les critiques les plus vives, à la fois contre l'attitude des Danone et autres Marks & Spencer et contre la passivité de Jospin par rapport à cela. Robert Hue a notamment déclaré que si Jospin ne tenait pas compte de l'avertissement que l'électorat populaire lui avait adressé lors des élections municipales, il ferait preuve de cécité politique.

Mais si la direction du Parti Communiste a appelé à manifester contre les licenciements chez Danone, elle ne recherche manifestement qu'une action purement symbolique. Appeler les travailleurs à manifester le samedi 21 avril, dans trois semaines, à Calais qui plus est, ce n'est évidemment pas mettre toutes les chances pour que cette manifestation soit un succès (ce qui est pourtant nécessaire), et puisse déboucher sur une véritable mobilisation populaire contre la politique patronale.

C'est qu'on ne peut pas être, même en protestant pour la forme, dans un gouvernement qui défend les intérêts du grand patronat, ce qui est le cas du gouvernement Jospin, et en même temps organiser sérieusement la lutte contre les agissements de ce même patronat.

Les seules choses qui puissent contraindre Jospin à changer de politique, ce ne sont pas les "gestes que demandent des députés ou des partis inquiets de la baisse de leur audience électorale, ce ne peut être qu'une réplique ferme du monde du travail et un grand mouvement revendicatif.

Les travailleurs sont tout à fait capables d'entrer en lutte, et de montrer qu'ils sont bien plus indispensables au bon fonctionnement de la société que les parasites qui s'engraissent sur leur dos, quand ils sont conscients de leur bon droit et de leur force. Les cheminots viennent de nous en donner un exemple, mais ce n'est qu'à l'échelle de toute la classe ouvrière qu'il sera possible de faire reculer le patronat et les politiciens à son service.

C'est une telle riposte du monde du travail qu'il faut préparer. Et dans ce combat-là, tous les militants ouvriers qui veulent sincèrement défendre les intérêts de leur classe ont leur rôle à jouer, quelle que soit la politique de leurs dirigeants.

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