Michelin : Référendum sur les 35 heures - Le patron obtient le "oui , mais la majorité des ouvriers et des employés dit "non06/04/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/04/une-1708.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Michelin : Référendum sur les 35 heures - Le patron obtient le "oui , mais la majorité des ouvriers et des employés dit "non

Pour la première fois en France, au sein d'une très grande entreprise, l'application de la loi des 35 heures a donné lieu à un référendum impliquant des dizaines de milliers de travailleurs répartis dans treize villes.

Convoqués par la direction le soir même de la consultation, la plupart des journalistes n'ont voulu voir dans ce vote que la victoire du "oui patronal.

L'analyse des résultats montre à l'évidence des disparités considérables entre les collèges de cadres, de techniciens, d'ouvriers et d'employés.

Des chiffres révélateurs

L'entreprise regroupe, toutes catégories confondues, 27 000 salariés, dont 17 000 ouvriers et employés. Pour l'ensemble des usines Michelin en France, le "oui a recueilli 14 614 voix, soit 59,6 %, contre 9 920 pour le "non , soit 40,4 %.

Sans surprise, le collège des cadres a voté "oui comme un seul homme, à plus de 97 %, mais dans le collège B, où la direction mélange techniciens, petite et moyenne maîtrise, 1 200 salariés ont dit "non . Par contre, sur les 17 000 ouvriers et employés, qui constituent 70 % des effectifs, 8 680 ont dit "non au patron, donc plus de la moitié.

Le "non l'emporte très nettement dans les ateliers de production, là où le travail est le plus dur, avec des horaires d'équipes qui changent souvent. Ce sont ceux-là qui travaillent aussi les samedis. Ce sont eux qui, depuis plus d'un an, ont obligé Michelin à repousser sans cesse l'application de son projet des 35 heures. Ce sont encore eux qui ont multiplié les grèves et les manifestations.

Les résultats le montrent : 53 % de "non à La Roche-sur-Yon ; 61,71 % à Bourges ; 63 % à Poitiers et au Puy ; 67 % à Montceau-les-Mines. Dans les rares sites où le "oui l'emporte quand même en atelier, le score des "non reste élevé : 41,9 % à Cholet ; 44 % à Tours ; 45,8 % à Vannes.

A Clermont-Ferrand, qui regroupe 15 000 salariés du groupe, soit plus de la moitié des effectifs totaux, le "non atteint 50,7 %. Mais outre que c'est sans doute là que les pressions patronales ont été particulièrement fortes, notamment sur plusieurs milliers de préretraitables, dès que l'on regarde de près ce qui s'est passé dans les ateliers seuls, le "non y est comme ailleurs nettement majoritaire : 54 % dans les ateliers des Carmes ; de 60 à 70 % à Cataroux, selon les ateliers ou les équipes ; à la Combaude, cela va de 54 à 77 % en faveur du "non .

A Ladoux, le contraste est spectaculaire aussi : le "oui l'a emporté presque à 100 % chez les cadres et les ingénieurs, mais le "non dépasse les 58 % dans les ateliers.

Les réactions des travailleurs

Malgré de multiples pressions, malgré le cri de victoire de la direction mettant en avant autant le "oui que les 95 % de participation, des ouvriers sont pour le moment partagés entre ceux, soulagés, qui veulent partir en préretraite, soit environ 4 000 travailleurs, et ceux qui sont contents que le "non l'ait emporté dans les ateliers, pour montrer leur opposition à Michelin. Il y a aussi ceux en colère qui ne veulent pas de ce qui les attend : les horaires encore plus flexibles, les samedis et dimanches à l'usine.

C'est ce que doit admettre Michelin. François d'Avout, directeur du personnel pour tout Michelin France, l'a reconnu le soir même du vote : "Les résultats du personnel posté sont moins bons dans la mesure où c'est la catégorie qui avait le moins d'intérêt à la signature ! Quel aveu !

A court terme, la direction s'est hautement réjouie et compte bien sur la signature d'au moins un syndicat dans la foulée, espoir qui ne sera pas déçu, les dirigeants de la CFDT ayant renouvelé leur offre servile, prêts à exécuter les basses oeuvres du patron. Pour leur part, CGT, FO et SUD avaient fait campagne pour le "non .

Michelin attend deux choses de cette signature. Dans l'immédiat, un cadeau de plus de 150 millions de francs du gouvernement pour se mettre à appliquer la loi Aubry des 35 heures. Et la mise en place des horaires et équipes de plus en plus flexibles. A tel point que même dans les bureaux, si une dizaine de jours de congés supplémentaires sont prévus, il y aura des samedis travaillés.

Les négociations que Michelin veut entamer avec tous les syndicats ne peuvent cacher cette réalité dont la direction elle-même a conscience : les ouvriers risquent de lui donner encore du fil à retordre.

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