Grève à la SNCF : Il faut aller vers une mobilisation générale !06/04/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/04/une-1708.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Grève à la SNCF : Il faut aller vers une mobilisation générale !

La grève du 29 mars, dont le début et la fin avaient été programmés par les directions syndicales, s'est donc poursuivie bien au-delà de ce qui était prévu. Et c'est tant mieux. Les raisons de mécontentement s'accumulent dans tous les secteurs et il faut que la direction de la SNCF, et derrière elle le gouvernement et son ministre Gayssot, comprennent enfin que les cheminots n'ont pas l'intention de se laisser faire.

Le mouvement s'est poursuivi de façons diverses dans de nombreux secteurs, établissements et régions. A Marseille, mardi 3 avril, certains cheminots étaient en grève depuis près d'une semaine ; à Rouen, ce même jour, les agents de conduite qui avaient repris le travail -de façon inégale- après la journée du 29 mars, étaient de nouveau en grève ; aux gares de Paris-Nord et de Paris-Saint-Lazare, la majorité du personnel des services commerciaux des trains de banlieue était en grève lundi 2 avril ; à la gare de l'Est, aucun train ne sortait du dépôt des agents de conduite de la Villette ; au dépôt de Villeneuve- Saint-Georges, sur le réseau sud-est, les agents de conduite votaient la grève jusqu'au 5 avril inclus. Dans la région de Lille et de Dijon, des mouvements continuaient, etc.

Sous des formes diverses, après des arrêts de travail, des reprises et de nouveau des arrêts, avec la participation d'un nombre décroissant puis croissant de cheminots, les débrayages se sont multipliés. En ordre dispersé certes, puisque les plus puissantes fédérations syndicales, la CGT et la CFDT, ne faisaient vraiment rien pour tenter de les prolonger, encore moins de les unifier, mais ils se sont poursuivis et finalement, globalement, sans faiblir. A tel point que les syndicats ont appelé à la grève le 5 avril, jour où la direction SNCF, de son côté, s'est sentie obligée d'avancer le rendez-vous (prévu le 9 avril) avec les dirigeants syndicaux sur les problèmes qui mobilisent aujourd'hui les cheminots : les salaires, les effectifs et la réorganisation en cours visant à rentabiliser plus encore le chemin de fer dans la mise en place d'une "gestion par activité .

Des salaires trop "modérés ...

Contrairement à ce que peuvent colporter les médias sur les salaires des cheminots en général et des roulants en particulier, à la SNCF les salaires ne sont pas plus brillants que dans bien des entreprises privées et sont, comme ailleurs, à peu près complètement bloqués depuis des années. Au nom de la "modération salariale décidée pour trois ans dans le cadre de l'accord des 35 heures à la sauce Aubry, signé en 1999 par la CGT et la CFDT avec la direction de la SNCF, les cheminots devraient se contenter de miettes. La direction envisage au mieux d'accorder une augmentation générale des salaires de... 0,5 % ainsi que, peut-être, selon la revalorisation du Smic intervenant en juillet prochain, quelque 2 % de mieux pour les plus bas salaires... toutes choses que la CGT caractérise, à juste titre, de "provocation . Fin mars, à l'issue de la période des notations annuelles, au cours de laquelle quelques augmentations individuelles ont été parcimonieusement distribuées, à la discrétion des chefs d'établissement, la colère des cheminots devant leur feuille de paie était plus que légitime.

Des effectifs insuffisants...

Avec des trafics voyageurs en hausse constante depuis quatre ans, les suppressions massives d'emplois qui ont eu lieu pendant des années, les embauches étalées sur trois ans n'ont pas suffi à compenser les départs (spontanés ou à la retraite) et les suppressions de postes. Elles n'ont pas non plus permis de faire face au surcroît de travail. A peu près partout, le manque d'effectif est criant. La direction le sait parfaitement et, dans son calcul de productivité, compte sur les cheminots en poste pour combler les vides, sacrifier leurs jours de repos et accepter le refus de leurs congés, se résigner à des roulements dégradés, intensifier le rythme de travail dans les ateliers, bref faire face à tous les problèmes liés à sa politique.

Pour 2001, la direction annonce avec satisfaction, à l'échelle nationale, une augmentation du trafic et... une stabilité de l'emploi. Mais c'est très inégal selon les secteurs et, par exemple, à l'entretien des voies, la disparition de 430 postes de travail est annoncée. De plus, la direction intègre dans son calcul les emplois-jeunes qui auront peut- être la chance, au bout de cinq ans de précarité, d'être embauchés définitivement par la SNCF. Mais tout cela reste notoirement insuffisant pour répondre à l'augmentation du trafic.

Service clients ou service public ?

Pour le président de la SNCF, Louis Gallois, comme pour le gouvernement, le choix est fait depuis longtemps. Sous prétexte d'harmonisation européenne des chemins de fer et d'ouverture à la concurrence, la SNCF en tant que service public est en train d'évoluer vers un service commercial, soucieux de faire du profit. A terme, l'objectif de ce que la direction appelle "Cap clients , ou "la gestion par activité , est de faire en sorte que chaque établissement de la SNCF soit en quelque sorte à son compte et passe des accords de type commercial avec l'établissement voisin auquel il offre ses services. Par exemple, l'entretien des TGV doit donner satisfaction au client "Grandes Lignes , ce dernier étant entre autres le service qui met en gare les TGV à la disposition des voyageurs. Evidemment, le "client Grandes Lignes n'a que faire des conditions dans lesquelles s'effectuent l'entretien des rames TGV (la fréquence, le niveau de vérification, la qualité des révisions, etc.), son souci premier étant que, plus il y a de trains au départ, plus il est en mesure d'augmenter sa "clientèle voyageurs , de concurrencer l'avion et d'engranger des bénéfices. Avec un tel système, le public et les cheminots ne peuvent qu'être perdants. Les premiers perdent en sécurité et en qualité tandis que les travailleurs subissent de plus en plus de pressions pour "faire plus de rendement , travailler plus vite, etc.

C'est cette évolution et ses conséquences (avec la perspective d'une privatisation possible des établissements rentables) qui inquiètent, à juste titre, les cheminots. Comme dans n'importe quelle entreprise privée, dont le seul objectif est de faire du profit, ils voient se profiler les suppressions d'effectifs brutales, l'aggravation de la dégradation des conditions de travail, les pressions de toutes sortes, etc., le tout pour cause de rentabilité exigée. Le refus de cette évolution vers la fin du service public ne peut être que massif. Et on peut espérer que lors de la rencontre du jeudi 5 avril, il ne suffira pas de quelques concessions minimes de la direction SNCF pour que les directions syndicales appellent les cheminots à reprendre le travail. Au risque d'ailleurs, et ce serait souhaitable, de se faire déborder par une base qui commence à en avoir plus qu'assez d'être lanternée.

A toutes ces raisons de colère et d'inquiétude il faudrait encore ajouter les menaces de remise en cause du système des retraites des cheminots. Pour la même raison, Juppé, à l'hiver 1995, avait déclenché une grève dont l'ampleur l'avait con traint à remiser son projet. Aujourd'hui, pour mettre au pas le gouvernement Jospin, son ministre des Transports et le président de la SNCF, c'est un mouvement d'une même ampleur qu'il faudrait. Nombreux sont les cheminots qui en sont conscients et qui, à travers les grèves qui se poursuivent, peuvent en prendre l'initiative, entraîner et être ralliés par tous les autres cheminots, et plus largement encore par le reste du monde du travail.

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