Gauche plurielle : Mieux gérer les licenciements ou les interdire ?06/04/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/04/une-1708.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Gauche plurielle : Mieux gérer les licenciements ou les interdire ?

Les partenaires du PS y vont tous de leur couplet pour demander, les uns sur le ton de la supplique, les autres plus grondeurs, que le gouvernement fasse un petit geste en faveur des milieux populaires, afin de prendre en compte "l'avertissement donné par les électeurs . Sinon, disent-ils, le risque est grand de perdre les prochaines élections. Et c'est bien ce qui les préoccupe, bien plus que le sort des travailleuses et des travailleurs de Danone, de Marks & Spencer, et des milliers d'autres qui sont sous la menace de plans dits sociaux.

Quant à Jospin, apparemment insensible aux interpellations de ses alliés, il explique qu'il n'y a pas lieu de s'affoler, ajoutant, dans une interview donnée à un groupe de journaux régionaux, le 4 avril, qu'il n'y a pas que les élections dans la vie, que lui-même ne sait pas encore s'il se présentera à l'élection présidentielle. Coquetterie, ou manière de rappeler, si l'on s'en tient à un plan purement politicien, que des élections comme l'élection présidentielle se gagne au centre et pas à gauche, donc qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter outre mesure de la défection de l'électorat populaire ? Par la même occasion, il invite ses partenaires à ne pas se tromper d'adversaire, et à ne pas "chahuter la gauche plurielle, ajoutant "qu'il faut que les formations de la majorité redécouvrent la droite. C'est contre elle que leurs candidats (ceux de la gauche plurielle) seront élus ou pas en 2002 . On retrouve la vieille rengaine du "Au secours, la droite revient , ce que d'autres traduisent par "Il faut battre la droite que l'on nous ressert à chaque élection, pour inciter les partenaires, - mais surtout les électeurs - à serrer les rangs.

Mais il y a eu un autre avertissement, qui n'est pas nouveau lui non plus, celui donné par le patronat, pour signifier qu'il n'est nullement question pour lui d'infléchir ses choix, et que le sort électoral des uns et des autres, et encore moins celui de la majorité plurielle, est le cadet de ses soucis. Même quand cette gauche plurielle n'a en rien desservi ses intérêts. Le patronat n'a rien rengainé de ses multiples projets de plans abusivement dits sociaux, ni même pris la précaution d'en soigner l'emballage. D'autant moins d'ailleurs que la brutalité des annonces contribue à la hausse des actions en Bourse.

Cet avertissement-là n'émeut ni Jospin ni ses partenaires socialistes du gouvernement. Fabius continue à clamer qu'il faut maintenir le cap d'une saine gestion des finances et de l'économie ; Elisabeth Guigou se déclare, une nouvelle fois, fort peinée de ce qui arrive à ces pauvres employés victimes d'actionnaires brutaux et sans sens moral. On l'a chargé de vérifier si les décisions de la direction de Marks & Spencer se sont faites dans les règles (mais pas de voir si Frank Riboud a fait de même). Des règles dont les patrons se moquent, en toute connaissance de cause. Car ils savent qu'ils auront le dernier mot, et qu'au pire, ils auront à payer un peu plus, dans une transaction financière qu'ils ont d'ailleurs déjà provisionnée.

Et si les autres composantes de la majorité plurielle s'inquiètent, verbalement, et voudraient bien que le gouvernement "fasse un geste , ils n'osent guère aller bien loin dans leurs demandes. Chevènement propose, bien tardivement il est vrai, que l'on rétablisse l'autorisation administrative des licenciements qui, soit dit en passant, n'entrave guère les licenciements collectifs. C'est même l'argument qu'opposent les socialistes pour justifier qu'ils ne l'ont pas rétablie. Force est de constater que même ce geste, symbolique, le gouvernement Jospin ne l'a pas fait, alors qu'il avait laissé entendre qu'il le ferait. Noël Mamère s'est empressé de reprendre, avec d'autres d'ailleurs, la proposition des syndicats de Danone d'appeler au boycott des produits du trust, attitude qui peut, peut-être, peser sur les décisions de la direction de Danone, et infléchir ses projets. Mais de toute façon à long terme, et sans que l'on puisse facilement gérer une telle action, puisque sa réussite dépend de la bonne volonté de chacun. De plus, elle n'offre pas de réponse aux problèmes posés dans d'autres grosses sociétés dont les travailleurs sont menacés du même sort que ceux de Danone. Certes tout est bon pour essayer de se faire entendre. Mais cela ne suffit pas pour faire céder des requins comme Frank Riboud ou l'Alstom.

Robert Hue et le PCF proposent un moratoire sur les licenciements, c'est-à-dire que ceux-ci soient différés. Mais jusqu'à quand ? Et sur quels critères les autoriserait-on ?

Certes, faire un geste peut contribuer à rendre le moral aux travailleurs et les encourager à prendre en charge la défense de leurs intérêts. Mais à condition que ce geste soit bien clair, qu'il marque la volonté des responsables politiques et syndicaux de se ranger dans le camp des travailleurs. Ce qui n'est pas, c'est le moins que l'on puisse dire, l'attitude de Jospin, Guigou ou Fabius. En un mot un geste aussi clair que celui du patronat, qui ne s'embarrasse pas, lui, de fioritures lorsqu'il décide de se débarrasser d'une partie de ses salariés.

Il ne s'agit pas de trouver une bonne façon de mieux gérer les licenciements mais d'imposer qu'ils soient interdits à commencer dans les entreprises qui font des profits. Et elles en font quasiment toutes. Une telle attitude ne suffirait pas à modifier le rapport de forces ; mais elle marquerait la volonté des organisations, qui se situent sur le terrain de la défense des intérêts de la classe ouvrière, de mener la bataille contre la classe des patrons, avec la même détermination que ces derniers.

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