France Télécom - Rennes : Le "business model" bute sur la grève30/03/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/03/une-1707.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

France Télécom - Rennes : Le "business model" bute sur la grève

Transpac est une filiale de France Télécom, spécialiste des transports de données informatiques, employant 3000 ingénieurs et techniciens, dont 900 environ à Rennes Atalante (Ille-et-Vilaine). Dans cet établissement c'est la première grève depuis l'ouverture en 1978.

Ce qui a provoqué la colère du personnel est la décision des dirigeants de muter d'office 770 agents le 2 avril dans une nouvelle entreprise, Global One Equant. 600 agents du site de Rennes sont concernés directement ainsi que 170 autres sur Paris. Les agents non mutés craignaient pour leur part de faire les frais de l'opération par des réorganisations brutales de service.

Cette décision de Transpac et de France Télécom cadrait mal avec l'image consensuelle que cherchait jusque-là à se donner l'entreprise. France Télécom a misé 10 milliards de dollars dans la réorganisation de ses filiales. Il veut que cela rapporte un maximum. La direction générale claironnait que : "Notre business model est le bon".

Pour atteindre ces objectifs, les dirigeants ont dû lever les masques. Le personnel n'est pour eux qu'un moyen pour réaliser leurs profits. Personne n'est à l'abri, fût-il ingénieur.

Une assemblée du personnel avait décidé qu'il y aurait grève le jour de la tenue du Conseil d'administration, à Paris, chargé d'entériner le projet. Et le jour dit, mercredi 14 mars, une nouvelle assemblée décidait la reconduction de la grève et la création d'un comité de grève, sur proposition de quelques militants CGT et CFDT. Celui-ci a effectivement organisé la grève et la direction a dû en tenir compte.

La grève s'est renforcée vendredi 16 et lundi 19 mars par son extension à plusieurs centres d'exploitation extérieurs et à plusieurs centres supports clients.

Les grévistes ont été indignés lorsqu'ils ont appris, lundi matin 19 mars, la mise en assignation devant le tribunal de 23 d'entre eux qualifiés de "meneurs publics" sous prétexte du blocage des portes d'entrée du personnel par des piquets de grève. Lorsque les directeurs généraux sont venus en personne discuter, les grévistes ont réaffirmé leur refus des transferts et du démantèlement de Transpac. La direction s'en tenait uniquement à des propositions sur les modalités des mutations.

Mercredi 21 mars à midi, une assemblée rassemblait 430 personnes revendiquant, outre des garanties sur l'emploi, l'intégration de l'intéressement de Transpac dans le salaire des mutés ainsi qu'une augmentation de 1 000 francs pour tous, mutés et non mutés. La direction mettait en avant, mais sans succès, une garantie d'emploi sur les sites rennais et parisiens jusqu'en 2003 et dans France Télécom jusqu'en 2004 ainsi qu'une augmentation des salaires bruts de base de 8 % pour compenser la perte de l'intéressement Transpac.

Le même jour à 22 heures, devant 150 grévistes déterminés à rester sur place, la direction venait annoncer une augmentation générale de 300 francs. Les grévistes décidaient alors la suspension de la grève.

Tout n'a pas été arraché mais la direction a dû faire des concessions. Notamment l'augmentation des salaires alors qu'elle avait annoncé qu'il n'y aurait aucune augmentation générale en 2001.

Le vernis consensuel est tombé. Derrière l'ambiance soft, les directeurs préparaient en fait leurs mauvais coups. Les grévistes ont appris à se méfier de leurs sourires hypocrites et de leurs discours sur les prétendus intérêts communs dans l'entreprise. Ils ont su compter sur leur propre mobilisation, comme les autres travailleurs en butte à leurs patrons.

La lutte de classe, ça existe aussi chez Transpac. Les agents ont relevé le gant devant les attaques. L'ambiance a changé : le jeudi matin, lors de la reprise, les grands chefs rasaient les murs et cela faisait plaisir à voir. Cette grève comptera pour l'avenir.

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