Second tour des municipales : La gauche gouvernementale paye pour sa politique23/03/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/03/une-1706.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Second tour des municipales : La gauche gouvernementale paye pour sa politique

Le deuxième tour a confirmé, et au-delà, les résultats du premier tour.

En comptant les villes de plus de 15 000 habitants, le nombre de municipalités tenues par la gauche plurielle ou certaines de ses composantes est passé de 301 à 259, alors que le nombre de celles tenues par la droite parlementaire passe de 278 à 318. L'extrême droite, quant à elle, conserve trois de ses quatre municipalités sortantes.

La cause manifeste de l'échec de la gauche gouvernementale dans ces élections municipales est que les quartiers populaires ne se sont pas plus mobilisés au deuxième tour en sa faveur qu'ils ne l'ont fait au premier tour. Un certain nombre de notables du PS, dont une bonne proportion de ministres, en ont payé le prix.

Certaines des têtes pensantes de la gauche gouvernementale ont aussi incriminé ce qu'elles appellent le mauvais report des voix au deuxième tour. Elles ne manquent pas de culot !

Les grands partis de la gauche et de la droite sont complices dans la mise en place et la perpétuation d'une loi antidémocratique qui écarte de la participation au deuxième tour toutes les listes qui n'ont pas recueilli plus de 10 % des votes au premier tour. Si les listes dites petites sont nombreuses, cela peut entraîner qu'une très forte proportion de l'opinion est interdite d'expression au deuxième tour. Et ces gens, responsables d'une loi aussi antidémocratique, voudraient encore que la fraction de l'électorat ainsi écartée se sente obligée de voter au deuxième tour pour ceux pour qui elle n'a pas voulu voter au premier. Eh bien, il faut croire que ce chantage marche de moins en moins !

Si ces gens veulent éviter tout problème de report, ils n'ont qu'à décider la proportionnelle intégrale, la seule qui mérite le nom de scrutin proportionnel (contrairement aux combines avec une certaine dose de proportionnelle ou celles qui imposent un seuil).

Le PS essaie de mettre en avant sa victoire à Paris et à Lyon. Mais, même si, dans ces deux villes où le scrutin obéit à des lois particulières, le PS s'installe à la mairie, la droite reste majoritaire en voix. De toute façon, Paris et Lyon ne peuvent pas cacher le désaveu du gouvernement qu'indiquent ces élections.

Les conclusions de Jospin

La seule conclusion immédiate que Jospin a tirée de ce désaveu, c'est la décision d'interdire, au nom de la nécessité d'être proche des électeurs, le cumul d'un poste de ministre avec celui de maire (ce qu'au demeurant il avait déjà interdit dans le passé). Mais ce n'est pas cette mesure dérisoire qui comblera le gouffre social entre le monde du travail, les quartiers populaires, les cités HLM, d'un côté, et le monde que fréquentent ces messieurs les ministres, les dignitaires politiques de la gauche gouvernementale qui ressemblent comme deux gouttes d'eau à leurs semblables de la droite, de l'autre. Ce n'est pas cela qui réconciliera avec Jospin et sa politique tous ceux du monde du travail qui n'ont reçu de ce gouvernement que des coups, qui doivent vivre avec moins de 4 000 ou 5 000 F, condamnés qu'ils sont à la précarité, même lorsqu'ils sont parvenus à sortir du chômage. Ce n'est pas cela qui fera oublier les cadeaux de ce gouvernement aux plus riches, les baisses d'impôt, sans parler des milliards déversés aux entreprises pour accroître leurs profits, alors qu'on fait des économies sur la santé, sur l'éducation et sur les services publics en général. Ce n'est pas cela qui fera oublier que la gauche gouvernementale mène tellement la politique de la droite que les classes populaires ne voient plus aucune différence.

Malgré la gifle électorale, les dirigeants du PS se gardent bien de prendre des engagements vis- à-vis des classes populaires. Sur le fond, ils préfèrent prendre le risque de perdre les élections du futur plutôt que de mener une politique plus favorable aux travailleurs. Ce sont ceux de la gauche gouvernementale qui n'ont pas véritablement le pouvoir de décider, comme le PC et, d'une certaine façon, les Verts, qui évoquent un peu plus ouvertement la véritable cause du recul de la gauche gouvernementale. Mais ils savent bien que, de leur part, ce ne sont que des mots. Comme le sait Chevènement qui, d'un seul coup, se pose en défenseur des classes populaires en découvrant qu'"il y a eu beaucoup trop pour les stock-options et pas assez pour les salaires". Comme si on ne l'avait pas vu, pendant nombre d'années où la gauche a été au pouvoir, et en particulier pendant les trois premières années du gouvernement Jospin, participer, en tant qu'un des principaux ministres, à toutes les décisions favorisant les stock-options au détriment des salaires !

Un PC dans lequel la population pauvre se reconnaît de moins en moins

Des différentes composantes de la gauche gouvernementale, seuls les Verts ont tiré leur épingle du jeu, en augmentant leur nombre de voix et le nombre de leurs conseillers municipaux. Mais ce glissement de voix du PS vers les Verts n'est pas un vote contestataire puisque les Verts font partie du gouvernement. Et ce n'est certainement pas un glissement à gauche car, si les Verts ont un langage un peu plus radical sur certaines questions, comme les sans-papiers ou le droit de vote des immigrés, non seulement ils ne représentent pas les travailleurs mais bien des aspects de leur politique sont ouvertement antiouvriers et, à certains égards, réactionnaires. C'est dans la petite bourgeoisie, dans les classes dites moyennes, et nullement dans les quartiers populaires, que les Verts ont enregistré leurs progressions les plus significatives.

Nous parlons par ailleurs des résultats du PC. Disons seulement qu'en concrétisant sa politique d'alignement derrière le PS à l'occasion aussi de ces élections municipales, en s'intégrant dans la majorité des cas dans des listes d'union de la gauche, il n'a même pas réussi à sauver ses municipalités. Des trente-neuf villes de plus de 30 000 habitants qu'il dirigeait, il en a perdu douze parmi les plus importantes, comme Nîmes, ou quelques-unes des grandes municipalités de la banlieue parisienne telles qu'Argenteuil ou Pantin. Au profit de la droite mais aussi parfois au profit de leur allié socialiste. Il en a certes gagné deux, mais le nombre des municipalités de plus de 30 000 habitants gérées par un maire communiste est tout de même tombé de 39 à 29 (chiffres de L'Humanité qui, par ailleurs, rappelle qu'en 1983 encore, le PC administrait 72 villes !).

La presse parle de la fin du communisme municipal. Mais si un certain nombre de notables du PC ont perdu leur poste, c'est précisément parce que la population des quartiers pauvres se reconnaît de moins en moins dans un parti qui ressemble de plus en plus au PS et qui en partage la politique au gouvernement et qui cautionne ses mesures anti- ouvrières.

Les résultats de l'extrême gauche

Mais le fait que les résultats de l'extrême gauche soient en progression, là où elle a pu se présenter, particulièrement ceux de Lutte Ouvrière qui s'est présentée au nom des intérêts de classe des travailleurs et des chômeurs, et le fait que ce soit précisément dans les quartiers populaires que les votes en faveur de nos listes aient été les meilleurs, montrent que ce n'est pas le langage radical et les idées de transformation sociale qui découragent l'électorat populaire, bien au contraire ! Dans les trois villes où les listes Lutte Ouvrière ont dépassé le seuil nécessaire pour rester présentes au deuxième tour, plus de trois quarts de leurs électeurs du premier tour ont voulu renouveler leurs votes malgré toutes les pressions et malgré les chantages au vote utile. C'est bien le signe de la profondeur du rejet de la gauche gouvernementale et de sa politique. Mais c'est aussi le signe que l'électorat ouvrier se reconnaît de plus en plus dans la politique que Lutte Ouvrière défend.

C'est en méritant la confiance des quartiers populaires, en renforçant les liens dans l'action, en s'appuyant sur les couches laborieuses pour qu'elles pèsent dans le sens de leurs intérêts sur la politique municipale comme sur la politique gouvernementale, que l'on apportera le démenti à toutes les bonnes âmes pour qui ces élections municipales étaient une démonstration de plus de la fin du communisme. Le PCF ne décline pas parce que communiste mais, au contraire, parce qu'il ne l'est pas assez. Plus ouvertement la direction du PCF se détourne du communisme et renie la politique favorable aux intérêts de la classe ouvrière, plus elle en paiera le prix. Mais plus progressera aussi le courant qui reprend le drapeau dont la direction du Parti Communiste veut se débarrasser, après l'avoir sali pendant longtemps.

Partager