Après le deuxième tour des municipales23/03/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/03/une-1706.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Après le deuxième tour des municipales

Les élections municipales ne sont pas très démocratiques et le deuxième tour l'est bien moins encore que le premier.

Au premier tour déjà, les listes qui réalisent moins de 5 % des voix sont éliminées du partage des sièges alors que, selon la taille de la ville, chaque tranche de 2 % à 40 % de l'électorat devrait être représentée par au moins un élu.

Cet aspect antidémocratique est encore aggravé au deuxième tour, car les listes qui font moins de 10 % au premier tour ne peuvent pas se présenter au deuxième. Ainsi, le deuxième tour est donc loin de constituer une photographie de l'opinion car 25 ou 30 % de l'opinion réelle de l'électorat peuvent ainsi ne pas être réellement représentés. Par ailleurs, la liste qui réalise le meilleur résultat, même si c'est à 1 % près, rafle 50 % des sièges, auxquels s'ajoute un nombre de sièges correspondant au pourcentage qu'elle réalise dans l'électorat. C'est-à-dire que si elle vient en tête des autres avec seulement 40 % des voix contre 30 et 30, elle bénéficie de 70 % des sièges de conseillers.

La représentation municipale est donc un reflet très déformé de l'électorat.

L'influence électorale réelle des divers courants politiques ne peut donc se mesurer qu'au premier tour. Or, les résultats du premier tour ont montré que la droite était majoritaire en voix. Ce n'est pas nouveau dans ce pays où des lois injustes écartent du droit de vote une fraction très importante de la classe ouvrière : les travailleurs immigrés qui, en majorité, exercent les emplois les plus durs. Par le fait aussi que, parmi les électeurs, ce sont les travailleurs qu'on dégoûte le plus d'aller voter. Cela a été accentué par la politique antiouvrière et pro-patronale menée par le gouvernement qui déconsidère la gauche, ce qui a fait que c'est précisément dans les quartiers populaires que l'abstention est la plus forte, sans compter que c'est dans ces quartiers qu'il y a proportionnellement le moins d'inscrits sur les listes électorales.

Il en résulte qu'au premier comme au deuxième tour la gauche a perdu bien plus de municipalités au profit de la droite que l'inverse.

Bien sûr, dans deux des plus grandes villes du pays, à Paris et à Lyon, la gauche a enregistré un succès et a pris la mairie. Ce n'est pas nous qui pleurerons sur le sort de Tiberi, de Séguin, de Millon et consorts. Cela dit, ceux des Parisiens qui ne sont ni bourgeois ni même petits-bourgeois, n'ont rien à attendre du socialiste Delanoë. Exactement comme ils n'ont rien à attendre de son collègue de parti, le ministre socialiste des Finances, Laurent Fabius, qui jongle avec le prix de l'essence.

Les élections sont cependant, à Paris comme à Lyon ou Marseille, très particulières. Les mystères de cette loi électorale ont cette fois favorisé la gauche, lui permettant de s'installer dans les mairies de Paris et de Lyon, alors que pourtant la droite a eu la majorité des suffrages dans les deux villes. La droite fait dans ces deux villes, pour une fois, les frais d'une loi électorale antidémocratique, établie en complicité par les grands partis UDF, RPR et Parti Socialiste.

Un fait notable de ces élections est la perte subie par le PCF. Perte de voix, mais aussi de mairies au profit de la droite ou au profit de son pseudo allié socialiste (le PCF donne tout ce qu'il a au PS et le PS lui prend tout ce qu'il peut).

Robert Hue a déclaré, le soir du deuxième tour, en substance, que c'est parce que le gouvernement ne s'est pas assez soucié des travailleurs et des couches populaires que les quartiers populaires ont connu le plus d'abstention. Constatant qu'il n'y a pas eu de "vague rose", il a ajouté que la "composante rouge" du gouvernement (le PCF sans doute !) devra se manifester plus dans l'avenir. Il serait temps que Robert Hue se souvienne, s'il le peut encore, de la couleur rouge et du drapeau rouge des travailleurs !

Robert Hue aurait pu ajouter que, là où elle s'est présentée, il y a eu une poussée sensible vers l'extrême gauche. L'Humanité du 13 mars le reconnaît quand même, quoique à contrecoeur. Si une partie des voix des différentes tendances de l'extrême gauche vient de la mouvance socialiste, beaucoup viennent d'électeurs communistes, voire d'abstentionnistes potentiels qui ont trouvé là le support d'un vote correspondant à ce qu'ils pensent.

Robert Hue pourrait en tirer la conclusion que ses ministres devraient quitter le gouvernement, bien qu'on ne puisse même pas affirmer que cela sauverait son parti. Les dirigeants du PC font payer à leur parti des années de politique suiviste à l'égard du PS, de complicité dans une politique au service du patronat.

Ce qui serait regrettable, c'est que cela décourage les militants de base et les électeurs du PC et que cela leur fasse perdre non seulement leurs illusions envers les dirigeants du PCF, mais aussi leur confiance en leurs idées.

Mais le progrès de l'extrême gauche, en particulier de celle qui s'est affirmée ouvertement sous son nom dans ces élections, prouve qu'on peut tout à la fois rester fidèle aux idéaux communistes de transformation sociale radicale et progresser dans l'opinion, alors que la soi-disant gauche, et surtout le PCF, recule.

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