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- Lutte ouvrière n°1704
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Grande-Bretagne : Dix morts de plus dans les chemins de fer - la fatalité n'est pas seule en cause
L'accident de chemin de fer qui a fait dix morts près de Selby, dans le nord-est de la Grande-Bretagne, le 28 février, était-il réellement dû à une coïncidence imparable de facteurs totalement imprévisibles ? C'est ce qu'ont immédiatement prétendu aussi bien les compagnies de chemins de fer privées en cause que le gouvernement. Même la Direction de l'hygiène et de la sécurité, organisme étatique qui d'ordinaire met des mois, et parfois des années pour se prononcer sur le moindre accident, n'a mis que quelques jours pour prendre la même position.
Sans doute y a-t-il eu des éléments imprévisibles dans cet accident. Quelle était en effet la probabilité pour qu'un véhicule dévalant de l'autoroute M62 qui enjambe la ligne de chemin de fer à cet endroit, s'immobilise sur la voie une ou deux minutes avant le passage d'un express à 6 h 15 du matin ce jour-là, provoquant ainsi un déraillement ? Et ensuite qu'un train de frêt circulant sur la voie opposée vienne percuter les voitures renversées de l'express parce qu'il était 20 minutes en avance sur son horaire ? Sans doute cette probabilité était-elle très faible.
Mais cela veut-il dire pour autant que personne n'est responsable ? D'après les normes de sécurité en vigueur, le parapet de l'autoroute protégeant la voie de chemin de fer aurait dû être deux fois plus long. C'était un fait connu des autorités, d'autant qu'au cours des trois dernières années on a recensé 29 cas où des véhicules sont sortis de l'autoroute par accident au même endroit et ont dévalé la même pente. Mais la HighWay Authority, l'organisme d'Etat qui supervise les entreprises privées titulaires des contrats de maintenance, n'a pas jugé bon d'intervenir.
Et que dire de la protection de la voie elle- même, qui était complètement inexistante ? Rien ne s'opposait à ce que le véhicule fou arrive sur la voie - ni fossé ni grillage.
Et puis peut-être le déraillement n'aurait-il pas pu être évité cette fois-ci parce que l'express n'aurait de toute façon pas eu le temps de freiner. Il n'empêche que, même s'il avait eu le temps, il ne l'aurait pas fait. Le conducteur n'avait aucune visibilité à cet endroit et la ligne n'était protégée par aucun coupe-circuit relié à son alimentation électrique et au système de freinage du train. De nos jours, de tels dispositifs sont pourtant communs sur les lignes à grande vitesse (les trains circulent à 200km/h sur cette ligne) pour protéger les endroits vulnérables de ce type précisément. Mais GNER et Railtrack, qui sont respectivement les compagnies utilisatices et propriétaires de la ligne, n'ont jamais jugé bon d'installer de tels dispositifs, jugés trop onéreux.
Mais pour les usagers et les cheminots britanniques, c'est la mort des dix victimes - dix de plus - de ce nouvel accident, dont quatre cheminots, qui constitue un prix intolérable à payer pour l'avidité au gain des requins du rail et la complaisance de leurs représentants au gouvernment.