La crise de la vache folle : La vache au prix fort02/03/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/03/une-1703.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

La crise de la vache folle : La vache au prix fort

Lundi 26 février, Jean Glavany, ministre français de l'Agriculture, a obtenu l'autorisation du Conseil des ministres des Quinze, réuni à Bruxelles, de prendre des mesures d'aides aux éleveurs. La Communauté européenne déclarant ne plus pouvoir payer, c'est sur le budget français que seront prélevées les sommes destinées à indemniser les éleveurs pour les pertes dues aux abattages massifs d'animaux. Il ne devrait s'agir que de mesures exceptionnelles, limitées dans le temps, précise le Conseil des ministres européens, et acceptées seulement parce que la France est l'un des pays les plus touchés par la crise de la vache folle.

Le 18 décembre dernier en effet, l'Union européenne édictait une directive visant à détruire, en quelque six mois, environ 2 millions d'animaux sur l'ensemble des pays européens, dont 450 000 rien qu'en France, et cela pour un coût estimé à 2 milliards d'euros, soit environ 13 milliards de francs. La directive arrêtait ainsi non pas tant une mesure sanitaire que "des mesures de soutien exceptionnelles en faveur du marché de la viande bovine", ainsi qu'elle les définissait elle-même. Pour lutter contre "la crise profonde due à une perte de confiance des consommateurs dans la viande bovine", entraînant une chute de la consommation et surtout une baisse importante des prix à la production, il fallait supprimer les quantités considérées comme en excédent en les rachetant aux éleveurs, aux frais en partie de l'Europe et en partie de l'Etat, à des fins de destruction.

Depuis janvier 2001, tous les animaux de trente mois doivent donc être testés et dépistés. Les animaux reconnus malades de l'ESB sont détruits. Mais cela ne suffit pas et, pour redresser les prix, certains agriculteurs et un syndicat comme la FNSEA par exemple réclament que les animaux non testés soient détruits, y compris si nécessaire des animaux testés comme sains. Devant la chute des prix, des marchands de bestiaux et des éleveurs réclament que les animaux représentant des viandes qui ne sont pas de première qualité soient détruits, selon la procédure dite du "retrait" et avec des indemnisations chiffrées par Luc Guyau, président de la FNSEA, "entre 1 000 et 3 500 F par animal, selon sa taille et sa catégorie". L'élimination systématique des veaux à la naissance, assortie d'une prime appelée "prime Hérode", comme cela avait été fait en 1996, est de nouveau évoquée comme moyen pour réduire de façon draconienne la production.

L'éventualité de la baisse de l'âge des tests aux animaux de 24 mois est également envisagée. En Bretagne, région d'élevage bovin par excellence, certains ont calculé qu'il faudrait éliminer un quart de l'ensemble des animaux et la totalité des vaches laitières de quatre ans, qui fournissaient, jusqu'au moment de la crise, la majorité de la viande vendue sous forme de steaks hachés. Bref, pour redresser le marché et les prix, les idées en matière de destruction des troupeaux ne manquent pas. Les revendications d'indemnisation non plus, que les éleveurs ont fait entendre dans plusieurs villes et jusqu'à Bruxelles, au moment où se réunissaient les ministres des pays européens.

Depuis plus de trente ans, dans le cadre de la Politique agricole commune, la PAC, la recherche de la productivité maximum a dominé l'élevage, avec des nourritures enrichies de protéines, y compris animales, assurant une prise de poids plus rapide, un engraissement moins coûteux pour un prix de vente garanti. Et ces procédés ne sont pas pour rien dans le développement de la maladie de l'ESB chez les bovins.

Aujourd'hui, la situation est inextricable et les solutions envisagées confinent à l'absurde avec un gâchis incroyable d'animaux massacrés pour seulement soutenir les prix et tenter de restaurer la confiance des consommateurs, qui semblent très loin de vouloir se laisser convaincre. Parmi les éleveurs, si la minorité de gros producteurs a les moyens de se faire entendre et d'obtenir la plus grosse part des indemnisations européennes ou nationales, ceux qui ont les reins moins solides risquent de disparaître dans la tourmente, sans que la collectivité y gagne quoi que ce soit. Quant aux consommateurs, non seulement ils ne savent plus quoi mettre dans leur assiette, non seulement ils ne voient pas, eux, les prix baisser, mais ils vont encore contribuer par leurs impôts à l'indemnisation des dégâts engendrés par la loi du marché.

Et après tout cela, qui peut encore dire que c'est la vache qui est folle, et non cette société où commande la loi du marché ?

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