Israël : Un nouveau gouvernement d'union nationale pour la même impasse sanglante02/03/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/03/une-1703.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Israël : Un nouveau gouvernement d'union nationale pour la même impasse sanglante

Les négociations continuent dans la classe politique israélienne autour de la constitution d'un gouvernement dit d'union nationale dirigé par Ariel Sharon, le leader du principal parti de droite, le Likoud.

Bien qu'il ait défait Ehud Barak, le Premier ministre travailliste, lors d'une toute récente élection, Sharon ne dispose pas d'une majorité lui permettant de gouverner seul. Même son alliance avec l'extrême droite n'y suffit pas.

Depuis des années, le monde politique israélien comporte en effet une nuée de petits partis, souvent religieux ou se voulant représentatifs des différents groupes nationaux de l'émigration juive. Courtisés simultanément par le Parti Travailliste et le Likoud, ces partis peuvent arriver à imposer aux gouvernements des conditions sans rapport avec leur importance réelle. Bien que n'ayant qu'une poignée de députés, ils se savent indispensables à la survie d'un cabinet ministériel et ils ne se privent pas de menacer de le faire tomber s'ils n'obtiennent pas les postes qu'ils convoitent et divers avantages pour leur clientèle électorale.

Après bien d'autres, Barak a été la victime plus ou moins consentante d'un tel chantage. On l'a vu alterner les promesses de laïcisation de l'Etat hébreu et des mesures renforçant l'emprise des religieux, et vis-à-vis de l'extérieur, des engagements platoniques à respecter les accords internationaux prévoyant la création d'un Etat palestinien indépendant et l'intensification de la colonisation des terres arabes occupées par Israël. Et lorsque sa politique a fait éclater de nouveau la révolte des Palestiniens au mois de septembre dernier, Barak n'a su qu'intensifier la repression en tentant de regrouper derrière lui tous les partis israéliens et en proposant à Sharon d'entrer dans un cabinet d'union nationale.

Ayant écoeuré la partie de l'électorat qui avait cru à ses vagues promesses de paix et d'indépendance palestinienne, abandonné par des petits partis voyant en Sharon le futur vainqueur des élections, Barak ne pouvait que passer la main.

Et tandis que l'armée israélienne et les colons religieux ou d'extrême droite poursuivent une politique de répression sanglante en Cisjordanie et à Gaza, c'est Sharon qui se retrouve en situation de former un gouvernement d'union nationale. Celui-ci ne diffère guère de la formule qu'avait proposée Barak, y compris dans ses composantes, Barak y ayant obtenu dans un premier temps le ministère de la Défense et la place de numéro deux à côté de Sharon.

Barak a fini par céder cette place à un ancien ténor travailliste, Shimon Peres. Mais cela tient d'abord aux réglements de comptes entre politiciens au sein même de ce parti. Certains ex-ministres de Barak ont déclaré que le Parti Travailliste "perdrait son âme" en participant à une coalition dirigée par Sharon, mais n'ont guère été suivis. Au sein du parti lui-même, 70 % des 1700 membres du comité central travailliste ont voté pour rejoindre le cabinet Sharon. Quant à l'opinion publique, israélienne et surtout palestinienne, elle a sans doute bien du mal à voir quelle "âme" le Parti Travailliste pourrait bien avoir encore à perdre.

Qui a oublié que le Parti Travailliste a déjà participé à des gouvernements d'union nationale, y compris sous la droite ? En 1986, Peres devint pour plusieurs années l'adjoint du Premier ministre de droite Itzhak Shamir, quand la politique des dirigeants israéliens venait de provoquer la première Intifada en Cisjordanie et à Gaza.

Quant à Sharon qui couvrit, comme ministre de la Défense, le massacre de milliers de Palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila durant l'invasion du Liban par l'armée israélienne en 1982, les dirigeants travaillistes qui refusent d'entrer dans son cabinet en invoquant ses crimes, ne manquent pas d'hypocrisie, eux qui l'auraient accepté dans un gouvernement dirigé par un Barak qui n'a jamais caché entretenir des relations amicales avec ce bourreau.

Leurs prétendus états d'âme pourraient prêter à sourire s'ils ne recouvraient la réalité de calculs politiciens et surtout de la poursuite de l'oppression du peuple palestinien. Car enfin, c'est Barak qui, élu pour faire la paix, a fait traîner en longueur les pourparlers avec les Palestiniens, tout en poursuivant la colonisation des territoires. C'est lui qui ensuite a lancé une nouvelle vague de répression dans les territoires occupés. C'est lui et ses ministres qui ont fait boucler militairement ces territoires depuis cinq mois, en asphyxiant littéralement la population palestinienne. Cela avec pour résultat qu'un tiers de la population de Cisjordanie et de Gaza ne survit qu'avec un revenu de deux dollars par jour, comme vient de le reconnaître l'ONU !

Si Sharon vient de prendre la suite, c'est moins en tant qu'adversaire de Barak qu'en continuateur d'une politique qui enferme la population israélienne dans un ghetto avec des dirigeants, de gauche comme de droite, qui ne lui laissent comme perspective que de vivre en permanence sur le pied de guerre. Le sionisme prétendait libérer le peuple juif ; il n'a réussi qu'à jeter la population israélienne dans une impasse sanglante pour elle-même comme pour ses voisins.

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