Air France Orly, Roissy et le Bourget : De l'uranium appauvri dans les avions et les ateliers02/03/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/03/une-1703.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Air France Orly, Roissy et le Bourget : De l'uranium appauvri dans les avions et les ateliers

Dans les ateliers d'Air France, on parle de l'uranium appauvri. Non pas que l'aviation civile aurait à voir avec les opérations de l'OTAN contre l'Irak, durant la guerre du Golfe, et plus récemment contre la Yougoslavie, où des bombes contenant ce métal ont été lancées sur les populations. Mais, pour n'être pas des bombardiers, bien des avions de ligne sont chargés en uranium appauvri (et pas qu'un peu, car il peut y en avoir jusqu à 400 kg à bord). Et des ouvriers et techniciens chargés de leur entretien doivent en manipuler, y compris dans des conditions dangereuses, sans avoir été informés des risques qu'on leur fait courir.

Avec les informations récemment publiées dans la presse sur les conséquences de l'exposition à l'uranium appauvri chez les militaires et les civils lors des guerres du Golfe et de Yougoslavie (le syndrome du Golfe), des travailleurs d'Air France se sont inquiétés de ce que des avions sur lesquels ils travaillent contiennent de l'uranium appauvri. Du fait de sa très haute densité, ce métal est en effet utilisé comme masse d'équilibrage de l'empennage.

Or, s'il semble que manipulé avec précaution, par exemple lors des opérations de "grande visite" (révision générale) des avions, ce métal ne présente pas de danger particulier, selon les scientifiques, il n'en va pas de même lorsqu'il est pulvérisé, pour une raison ou une autre.

Cela peut se produire en cas d'accident. Les poussières alors dégagées sont radio-toxiques (comme lors de bombardements avec des obus contenant ce métal). La revue Science et Avenir a, dans son numéro de février, recensé près de 70 catastrophes aériennes depuis une trentaine d'années où des avions contenant de l'uranium appauvri se sont écrasés, sans que jamais la population ni les sauveteurs soient prévenus des risques de contamination. Ainsi, en octobre 1992, un Boeing 747 de la compagnie El Al s'est abattu sur la banlieue d'Amsterdam et, depuis, certains habitants des environs et des pompiers ont développé des symptômes rappelant le syndrome du Golfe. Bien que les autorités, en pareil cas, observent le silence sur ces faits, il semble bien que les responsables de l'aviation civile, au moins dans les pays développés, n'aient guère de doutes sur la question. Cela expliquerait que, depuis quelques années, on cesse de lester les nouveaux avions avec de l'uranium appauvri. Et que, pour ceux, nombreux, qui le sont encore, on veuille se débarrasser du problème dans la discrétion et avec le plus grand cynisme... en revendant peu à peu ces avions à des compagnies de pays du Tiers Monde !

Mais les avions d'Air France comporteraient encore sept tonnes d'uranium appauvri. En outre, au fil des réparations, une autre partie de ce métal a été stockée au sol, sans que l'on avertisse les travailleurs des risques que cela provoque. Ni surtout, notamment en chaudronnerie, sans que les ouvriers soient prévenus des dangers qu'il y a à travailler ce métal - comme cela se pratique couramment -, à le frapper pour poser des rivets ou à l'usiner pour en tirer des formes ou des outils, ce qui expose à sa haute radio-toxicité.

La direction d'Air France Industries, qui a laissé faire pendant des années, s'en inquiète maintenant que les dangers de l'uranium appauvri s'étalent dans la presse. Ainsi, le 7 février dernier, après que des syndicalistes l'avaient interpellée sur le sujet, elle a publié une note dans laquelle elle feint de découvrir le problème, tout en s'abritant derrière un arrêté de mars 1994 qui réglemente le transport et la manipulation de ce métal. Elle a le culot d'écrire que "nous vous rappelons (!) que la manutention de ces pièces doit se faire à l'aide de gants de coton, avec le port de masques respiratoires anti-poussières, et que le transport est effectué à l'aide de containers référencés". Un "rappel" qui, pour tout le monde, est une découverte car sur les bons de travail rien n'a jamais mis en garde contre le fait "qu'en aucun cas (les pièces en uranium appauvri) ne doivent être meulées, tronçonnées, sciées, usinées, poncées, etc.".

La direction a beau essayer de se couvrir, c'est elle la seule responsable. Et il va falloir qu'elle rende des comptes à ceux dont elle a exposé la santé depuis des années.

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