Israël : "union sacrée" Sharon-Barak... et Arafat, contre les palestiniens23/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1702.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Israël : "union sacrée" Sharon-Barak... et Arafat, contre les palestiniens

L'élection d'Ariel Sharon n'aura souffert d'aucune contestation quant à son ampleur. Après sa provocation réussie du 28 septembre sur l'esplanade des Mosquées qui relança l'Intifada, cette victoire écrasante sur le travailliste Ehoud Barak confirme un certain dur cissement dans le conflit israélo-palestinien. En tout cas, la réputation sanglante du nou veau Premier ministre israélien, responsable indirect mais bien réel du massacre des camps palestiniens de Sabra et Chatila, rend cette interprétation crédible. Parler pour autant de glissement de l'ensemble de la société israélienne vers des positions de guerre totale avec les Palestiniens, serait pour le moins hâtif. Cette élection n'est pas sans conséquences il est vrai, mais pas nécessairement celles qui sont les plus annoncées.

Une victoire moins écrasante qu'il n'y paraît

Il est clair que la campagne de Sharon a su jouer sur les peurs et les préjugés renforcés par l'état de siège qu'il a lui-même contribué à mettre en place. Mais cette percée électo rale - 62,4 % des voix pour son parti le Likhoud - ne doit pas éclipser l'abstention la plus forte jamais enregistrée, près de 40 % en général, et plus de 75 % chez les Arabes israéliens. Ces derniers, représentant près de 12 % de la population, se sont pour la première fois solidarisés dans les actes avec l'Intifada. Ils l'ont payé avec leur sang, puisque à ce jour 13 d'entre eux sont tombés sous les balles de "leur" propre armée. Ces "Israéliens" ont depuis bien longtemps compris - et la lenteur avec laquelle les responsables de ce massacre sont recherchés est là pour leur rappeler - que leur statut est celui de citoyens de seconde zone.

Certes Sharon a gagné, mais seulement avec l'appui d'un électeur sur trois. On est loin du plébiscite bruyamment annoncé dans la presse.

Sharon aurait-il donc aujourd'hui les mains plus libres pour mener à bien sa politique sécuritaire ? Rien n'est moins sûr. Sans majorité au Parlement - la Knesset - conscient que finalement il ne représente qu'un tiers du corps électoral, il ne peut provoquer d'élections législatives et doit se tourner vers un bloc avec ses soi-disant adversaires de la veille... les travaillistes de Barak. Si cette alliance tarde à se réaliser, c'est dû aux remous provoqués au sein des deux formations. Mais les divergences, réelles ou supposées, entre la droite et la gauche, ou au sein de ces dernières, cachent mal de vraies convergences qui pourraient aboutir à la formation d'un gouvernement "d'unité nationale".

En matière de colonisation, les travaillistes n'ont pas de politique différente de celle du Likhoud. Ils l'ont montré au gouvernement, en développant plus d'implantations nouvelles qu'il n'y en avait jamais eu, quand bien même aujourd'hui ils prétendent, contrairement à leurs rivaux, vouloir démanteler celles qui sont les plus exposées.

Pour ce qui est de la répression, Barak a montré qu'il n'a pas grand-chose à envier à Sharon, la mort de plus de 400 Palestiniens depuis septembre est là pour l'attester.

Quant aux oppositions sur le "processus de paix" et les accords d'Oslo les divergences sont également moins grandes qu'en apparence. Certes il n'est plus question maintenant de reconnaissance d'Etat à Etat, ni de partage de Jérusalem. Mais l'idée de faire de l'Autorité Palestinienne l'interlocuteur essentiel est partagée par les deux bords. De même que la nécessité de gagner du temps pour réduire les exigences d'Arafat, sans toutefois oublier de lui ménager une porte de sortie. Car là est le paradoxe, il n'est pas exclu que Sharon, un peu comme De Gaulle pour la guerre d'Algérie, fort d'un gouvernement d'unité nationale, soit l'homme d'une certaine paix. Bien sûr inique et sur le dos des Palestiniens, tout comme l'était celle prévue par feu les accords d'Oslo, et sans doute encore pire.

Les négociations sur le dos des peuples

Les dirigeants nationalistes palestiniens et sionistes israéliens ont un sens partagé des réalités politiques. Pour leurs intérêts propres, ils s'entendent à merveille sur le dos des peuples. Dans les sinistres calculs des dirigeants israéliens et dans les continuels renonce ments de la bourgeoisie palestinienne, un grain de sable est pourtant toujours prêt à se glisser. La colère dans les camps, et les privations n'ont pas entamé la détermination des opprimés, même si elle prend aujourd'hui le visage du désespoir.

Le geste du conducteur palestinien qui a foncé avec son bus sur des soldats et passants israéliens est significatif de l'état d'esprit de la fraction la plus pauvre du peuple palesti nien. Père de famille, sans engagement, et après des semaines de chômage forcé suite au bouclage des territoires palestiniens, cet homme a choisi de faire un maximum de victimes en risquant de mettre un terme à une vie qu'il considère sans issue.

C'est de cette colère qu'Arafat comme Sharon ou Barak ont peur. Car elle renferme po tentiellement, par delà le désespoir, la volonté intransigeante de faire respecter ses droits. C'est la crainte de nouvelles mobilisations populaires de plus grande ampleur et des ris ques de perdre le contrôle des opérations, qui les poussent à négocier et à ménager les intérêts d'une bourgeoisie palestinienne, impatiente de régner, fût-ce sur des bidonvilles. Les bourgeois israéliens et palestiniens, par delà l'opposition de leurs intérêts nationaux, sont bien d'accord pour empêcher toute contestation venue d'en bas.

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