Sommet de Yaoundé : Pas de Père Noël pour l’Afrique26/01/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/01/une-1698.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Sommet de Yaoundé : Pas de Père Noël pour l’Afrique

C'est beau, c'est généreux, c'est grand, c'est magnifique, les sommets franco-africains. Et le 21e, qui s'est déroulé du 18 au 20 janvier à Yaoundé, au Cameroun, était encore plus grand que les précédents. Cinquante-deux États africains y participaient, sur les cinquante-quatre invités. Un conseiller de l'Elysée donnait cyniquement la règle adoptée : "Inviter tout le monde, sauf les chefs d'Etat issus d'un coup d'Etat non encore régularisé". Du coup, seules les Comores avaient été exclues!

C'était donc apparemment un succès complet pour la diplomatie française, qui peut croire que sa zone d'influence va désormais de l'Atlantique au Pacifique et de la Méditerranée au cap de Bonne-Espérance.

Quelques ombres obscurcissaient toutefois cette scène où rayonnait Chirac : les "affaires" africaines qui touchent le monde financier et politique français, du fils Mitterrand à Pasqua, de Falcone à Elf et à tous ses obligés. Mais aussi, d'une actualité plus brûlante, l'assassinat de Kabila, qui rappelait les guerres civiles et extérieures, la fragilité de bien des régimes et les risques permanents de déstabilisation du continent.

Malgré les exercices de style du ministre des Affaires étrangères Védrine, évoquant un "despote pittoresque", semblable à un héros de la Guerre des étoiles, beaucoup pensaient que Kabila avait payé pour son passage rapide du camp anglo-américain qui l'avait hissé au pouvoir, au camp français. Et Chirac n'a pas forcément rassuré tout le monde, quand il a assuré que la France apporterait "sa contribution à l'objectif de paix, de stabilité et de développement".

Car le développement, parlons-en. L'Afrique est le continent le plus pauvre. Sa part dans le commerce mondial est passée de 3 % à 2 % en trente ans. Le revenu par habitant est inférieur à celui de 1970. Un Africain sur deux est en dessous du seuil de pauvreté. Chirac et les dictateurs africains peuvent bien discourir à propos de "l'Afrique face aux défis de la mondialisation", c'est la famine et la misère qui préoccupent les populations.

Face à ce constat catastrophique, Chirac a voulu afficher sa générosité. Dans son discours de clôture du sommet de Yaoundé, il a annoncé l'annulation totale et immédiate des dettes bilatérales des pays africains vis-à-vis de la France. Cela pourrait représenter jusqu'à 69 milliards de francs.

Mais quand cette annulation "immédiate" interviendra-t-elle réellement ? Et quelle partie de la dette cette annulation "totale" recouvre-t-elle ? Car, même dans la dette d'Etat à Etat, il y a des catégories différentes. Et puis il y a les dettes dans lesquelles la France n'est pas seul créancier, et celles vis-à-vis des banques et des groupes financiers ou industriels. Sans parler des dettes "privées" ou qui n'ont pas été contractées directement par les Etats.

Quoi qu'il en soit de la "générosité" de Chirac et de l'Etat français vis-à-vis des Etats africains, ce n'est pas la première annulation de dette à laquelle on assiste. Rien que de 1990 à 1992, le Comité d'aide au développement, qui dépend de l'OCDE, a fait annuler près de 65 milliards de francs de dettes. Mais annuler des dettes n'est qu'une façon de permettre d'en contracter de nouvelles, avec les mêmes conséquences. Les pays pauvres qui en bénéficient ne sortent pas de la pauvreté, tandis que les compagnies occidentales qui sont les vrais bénéficiaires de ces prêts continuent d'engranger des profits.

Dans ce monde dominé par l'impérialisme, même les aides sans contrepartie apparente, même les cadeaux sont source de dépendance et d'exploitation. Ceux apportés par Chirac ne font pas exception.

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