SNCF Gare du Nord (Paris) - Trains en retard ou supprimés, galère quotidienne des voyageurs et des cheminots : Les conséquences des économies de la direction26/01/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/01/une-1698.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

SNCF Gare du Nord (Paris) - Trains en retard ou supprimés, galère quotidienne des voyageurs et des cheminots : Les conséquences des économies de la direction

La régularité des trains de grandes lignes et des trains de banlieue, notamment en région parisienne est catastrophique. Même Gallois, le président de la SNCF, a dû l'admettre. Combien de trains en retard, supprimés, ou qui restent à quai pour cause "d'incident d'exploitation" comme le disent les annonces laconiques de la SNCF ? Combien d'usagers soudain bloqués dans un train, pris au piège entre deux gares parce que la caténaire a été arrachée, qu'un arbre est tombé sur la voie, etc. A la Gare du Nord à Paris, par exemple, usagers et cheminots souffrent de cette dégradation, les uns parce qu'ils prennent le train tous les jours, les autres parce qu'ils sont au premier rang des critiques et qu'ils sont aussi usagers du train.

Certes, il y a des incidents imprévisibles et indépendants de la volonté de la SNCF, comme par exemple lorsqu'il y a des accidents de personnes sur les voies. Mais la plupart du temps, ce qui est en cause est un manque de moyens, de matériel et d'effectifs.

Le manque de matériel roulant

La pénurie de locomotives et de rames est un mal chronique car, pendant des années, la SNCF a très peu renouvelé son parc. La hausse du trafic n'a fait qu'amplifier le désastre. Bon nombre de trains restent à quai faute de machine disponible. Bien souvent des trains partent en retard car on finit de réparer la locomotive à l'atelier de la Chapelle et qu'il n'y a pas de remplaçante. Ou bien les voyageurs peuvent être témoins d'étranges manoeuvres : il faut ressortir tout un train de la gare pour récupérer sa locomotive coincée contre le butoir et qui doit servir à un autre train. Par exemple, le 14 janvier, il a fallu attendre le départ du train de 16 h 52 pour récupérer une locomotive et assurer le train qui était prévu à 16 h 37, un quart d'heure plus tôt! Trente-quatre minutes de retard faute de locomotive! On peut imaginer la tâche des agents d'accueil chargés d'expliquer cet "incident d'exploitation"!

Sur la ligne Paris-Creil, les rames deux étages plutôt récentes ont été dotées de locomotives vétustes et qui n'étaient pas destinées à la banlieue, où les arrêts sont fréquents, mais aux grandes lignes, cela influe sur leur comportement. De plus, ces rames sont dites "rames-bloc", ce qui signifie qu'en cas de défaillance d'une voiture, on ne change pas cette voiture mais on réforme toute la rame comme pour les TGV. Parfait, mais comme il n'y a pas de rames de réserve, une voiture abîmée, c'est un train de supprimé!

Les retards et suppressions de trains sont si fréquents sur cette ligne Paris-Creil, que les usagers, pour revenir le soir, ont pris l'habitude de monter dans un direct et se regroupent autour du contrôleur pour qu'il exige du Poste de commandement un arrêt forcé à Creil.

Le manque d'effectifs

Outre les problèmes de matériel, les suppressions d'effectifs font aussi des ravages sur la régularité. Par exemple, il y a de moins en moins de personnel pour graisser les aiguilles. Les "parcours", c'est-à-dire les zones d'action que doivent couvrir les agents chargés de leur entretien, n'ont cessé d'augmenter. Résultat, bien souvent, au lieu d'être graissées chaque semaine, certaines aiguilles peuvent attendre un mois. Quand l'une d'entre elles refuse de tourner, c'est alors un signal qui reste au rouge et la circulation qui est arrêtée. Il faut alors dépêcher un agent sur place (s'il y en a de disponible) : au minimum, c'est 20 à 40 minutes de retard garanti.

Il en est de même pour les équipes chargées des caténaires, des signaux, armoires électriques, etc. : partout les "zones d'actions", les "parcours" ont été agrandis au fur et à mesure des suppressions de postes. Bien souvent, des installations ne sont visitées que lorsqu'elles tombent en panne.

Autre exemple, quand un arbre tombe sur une voie, la SNCF prétend n'y être pour rien. Mais les tournées de voies qui permettaient de constater les dangers possibles et d'élaguer préventivement la végétation le long des voies ont été souvent espacées et même supprimées faute d'effectifs.

Ce manque d'effectifs se retrouve partout dans toutes les filières. On supprime des formations aux conducteurs et aux contrôleurs parce qu'on ne peut pas les dégager, on a trop besoin d'eux. Du coup, régulièrement, des trains sont retardés ou supprimés parce que le conducteur ou le contrôleur (qui assure aussi des missions de sécurité) programmé ne connaît pas ce type de machine et qu'il est impossible d'avoir un agent de réserve.

Toutes ces causes s'accumulent et rien qu'en grande ligne et grande banlieue, chaque jour, des dizaines de trains ont des retards de quelques minutes à l'heure complète, ou sont carrément supprimés.

Le réseau banlieue est victime des mêmes maux que le réseau grandes lignes, mais en pire car en plus il est totalement saturé. Un train toutes les deux minutes en Gare du Nord aux heures de pointe, cela signifie que le moindre incident entraîne des retards en cascade. Aux heures de pointe, le retard n'est pas l'exception mais la règle sur de nombreuses lignes.

Tout le stress de la situation rejaillit sur le personnel : les aiguilleurs qui doivent jongler avec des circulations totalement sorties des horaires, les contrôleurs, les agents de l'accueil et des quais qui doivent tenter de justifier l'injustifiable auprès des voyageurs en colère.

Les réponses de la direction à cette dégradation de la régularité du réseau sont scandaleuses. Par exemple, le responsable de la "mission régularité", Christian Portal, questionné par Le Monde, ne nie pas la dégradation spectaculaire mais en rend responsable les usagers et les cheminots! Ainsi dit-il, "j'ai pu constater que l'ensemble des acteurs du trafic en Ile-de-France, agents de conduite, personnel de maintenance et d'exploitation, mais aussi usagers, avaient leur part de responsabilité dans cette situation. [...] Le manque d'expérience des jeunes agents entraîne immanquablement une dégradation de la maintenance de matériels trop anciens et d'infrastructures qui ont rarement été conçues pour un tel trafic." Pas un mot sur le manque cruel d'effectifs, alors qu'il s'agit d'une évidence pour tous les cheminots qui sont sur le terrain.

La direction n'a rien fait ? Si, elle a sorti des pots de peinture et baptisé "Transilien" le réseau banlieue d'Ile-de-France. Voilà qui doit faire chaud au coeur des banlieusards qui piétinent sur les quais.

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