Vivendi nous roule19/01/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/01/une-1697.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Vivendi nous roule

Dans leur grève, les traminots de Rouen en lutte pour une augmentation des salaires se sont heurtés à Vivendi (ex Générale des eaux), leur patron. Cette société ne se limite pas, en effet, à tirer bénéfice de la gestion de la distribution de l'eau et de l'enlèvement et du traitement des ordures ménagères dans les agglomérations. Elle tisse sa toile sur un nombre de plus en plus grand de réseaux de transport urbain.

TCAR à Rouen, SEMTA à Amiens, STCE à Calais, STDE à Dunkerque, CTPO au Havre, ST2A à Aix-les-Bains, RMTB à Béziers, CGFTE à Nancy, Bordeaux, Cannes, Cholet, Dieppe, la liste est loin d'être complète : Vivendi a adopté de nombreux pseudonymes pour jeter son dévolu sur les transports urbains d'une vingtaine d'agglomérations. Et elle est en train d'absorber une quarantaine de réseaux supplémentaires, devenant ainsi le premier groupe de transport urbain en France. Elle encaissera 7 milliards de francs par an, plus que Via-Cariane, filiale de la SNCF et que Transdev, filiale de la Caisse des dépôts ( 4,5 à 5 milliards chacune).

Des municipalités, de droite et de gauche, ont confié à Vivendi l'exploitation des transports urbains, voire son organisation. Mais en général, elles évitent de proclamer qu'en prenant le bus, on verse une partie du prix du ticket ou de l'abonnement aux actionnaires de cette société, dont la réputation de rapacité n'est plus à faire dans le domaine de l'eau qui était sa "vocation" d'origine.

D'un point de vue capitaliste, il n'est pas rentable d'exploiter un réseau de transport urbain. Ce sont donc les collectivités locales qui financent, sur leur budget, en moyenne 69 % du coût d'exploitation. Le concessionnaire, lui, a une garantie absolue de ne pas faire de pertes dans deux tiers des contrats ; et dans les autres, le risque est extrêmement limité et porte sur des sommes fort modiques. Laissant le déficit aux finances des communes, la seule incertitude pour l'exploitant, en l'occurrence Vivendi, est l'importance de ses bénéfices : en général, la collectivité lui verse une prime suivant les résultats obtenus en matière de fréquentation et de ponctualité notamment, prime qui n'est pas rendue publique.

Aucune des listes susceptibles de constituer une majorité au sein du conseil municipal, qu'elle soient de droite ou de gauche, n'a, à notre connaissance, demandé leur avis aux électeurs pour savoir s'ils sont d'accord pour continuer à payer une partie de leurs impôts ou de leur carte de transport pour fournir une confortable rente à Vivendi ou autres. Les contrats étant aussi peu transparents que ceux signés dans le domaine de l'eau, les habitants n'ont même pas le droit de savoir le montant de la somme qu'ils déboursent en faveur des actionnaires de ces sociétés.

A l'échéance du contrat (et non lors des élections), il arrive que la municipalité remette en cause l'exploitant... pour en prendre un autre, comme cela vient de se produire à Saint-Etienne qui a "choisi" Vivendi.

Il est vrai que confier aux collectivités publiques le soin de gérer directement les transports ne constitue pas non plus la panacée, en l'absence de contrôle par la population. L'existence d'une régie municipale ne suffit pas à assurer un service de qualité, avec une desserte correcte des banlieues et en soirée. Les exemples de l'agglomération parisienne et de Marseille le prouvent. Dans les villes qui ont concédé leur transport à Vivendi ou autre (plus de neuf agglomérations sur dix), elles ont en principe la possibilité de prévoir dans un cahier des charges des exigences par rapport au concessionnaire. Certaines d'entre elles envoient des contrôleurs vérifier la ponctualité des bus, leur propreté, etc. Mais même si ce contrôle est effectivement exercé, cela ne justifie pas le recours à une société dont la raison d'existence est le profit. Pour bénéficier d'un réseau de transport en commun digne de ce nom, pourquoi faudrait-il continuer à verser son obole à des sociétés richissimes qui ne font pas que pomper l'eau mais aspirent l'argent du budget communal ?

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