Vache folle : Les industriels licencient avec la complicité du gouvernement19/01/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/01/une-1697.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Vache folle : Les industriels licencient avec la complicité du gouvernement

Les industriels de la viande n'ont pas attendu très longtemps pour aller frapper à la porte du gouvernement afin de lui demander d'intervenir en leur faveur dans la crise de la vache folle. Et ils ont été entendus avec compréhension...

Vendredi 12 janvier en effet, les représentants des industriels de la filière ont été reçus par les services d'Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, et ont obtenu certaines garanties qu'ils réclamaient. En particulier, les entreprises qui avaient signé un accord sur les 35 heures loi Aubry ont obtenu de conserver les aides allouées et les allègements de charges, même si elles ne créent ou ne préservent aucun emploi comme la loi le prévoit en principe.

Les industriels de la viande ont de quoi être satisfaits. Non seulement ils continueront à toucher les aides de l'Etat, non seulement ils ne créeront pas d'emplois mais de surcroit, ils annoncent qu'ils vont en supprimer des milliers. Le responsable de la Confédération française des entreprises du bétail et de la viande, en même temps président de la Fédération nationale de l'industrie et des commerces en gros de viandes, Laurent Spanghero, annonçait en effet, à la sortie du ministère, qu'il ne fallait pas exclure "de 8 000 à 10 000 licenciements" sur un total d'environ 70 000 emplois dans la filière viande.

Les travailleurs, ceux des abattoirs en particulier, devraient ainsi faire les frais d'une situation dans laquelle ils ne sont pour rien. Ils devraient accepter d'être jetés à la rue et de perdre leurs moyens de vivre parce que les affaires des industriels de la viande se portent moins bien et parce que le gouvernement défend les intérêts de ceux-ci, quitte à sacrifier des milliers d'emplois ! L'abattoir le plus important du pays, Socopa, qui compte de nombreuses entreprises dispersées dans l'Ouest mais aussi dans d'autres régions, vient d'annoncer la suppression de 95 postes sur 600 à Coutances (Manche) et celle de 133 postes sur 1 300 dans l'usine de Cherré (Sarthe). Dans d'autres abattoirs, le chantage à l'emploi s'exerce au prix de l'annualisation et de la flexibilité, du travail à temps partiel. Non seulement les conditions de travail vont se dégrader mais les salaires vont être amputés gravement. Pour tous les travailleurs de ces métiers pénibles, la crise de l'ESB va se traduire par une dégradation importante de leurs conditions de vie et de travail. Et c'est révoltant.

Une nouvelle réunion était prévue, mardi 16 janvier, entre le secrétaire d'Etat à la consommation, François Patriat, le ministère de l'Agriculture, Jean Glavany, et les représentants des éleveurs, des patrons de l'industrie et de la viande et de la distribution. Elle se traduira probablement par de nouvelles mesures favorables aux plus riches et plus importants entrepreneurs de ces secteurs. A l'ordre du jour, il y aurait le coût du dépistage en cours de l'ESB et donc la question "qui va payer" les tests, le stockage, le déficit d'abattage, etc ?

Les industriels de la filière viande, quels qu'ils soient, refusent de mettre la main à la poche et se tourneront vers le gouvernement. Ils ne s'en cachent d'ailleurs pas et le gouvernement est tout prêt à les satisfaire, lui dont les services du ministère des Finances ont déjà déclaré : "Quand les coûts seront connus, nous puiserons dans les ressources de l'Etat pour les financer". La facture de quelque 10 milliards de francs, toujours selon le ministère, devrait donc être payée par les contribuables... c'est-à-dire par les consommateurs et les travailleurs, premières victimes de la crise en cours. Sans compter que la facture en question pourrait bien s'alourdir encore au fil des mois si l'on tient compte de la pagaille qui est décrite, avec l'engorgement des laboratoires autorisés, les tests demandés et non effectués, les laboratoires privés auxquels le gouvernement délivre désormais l'agrément nécessaire pour réaliser les tests et qui risquent, dans bien des cas, d'être à la fois juges et parties avec les possibilités de dérives que cela signifie.

Quand on apprend que le numéro trois de l'abattage, Soviba, filiale de l'une des plus grosses coopératives du pays (Cana), vient d'obtenir l'agrément pour effectuer dans ses laboratoires du Calvados les tests de l'ESB et qu'elle attend l'agrément pour d'autres laboratoires, attenants à d'autres de ses abattoirs, on peut quand même s'inquiéter de la façon dont la recherche du prion de l'ESB se fera...

Pendant ce temps, les fabricants de farines carnées et les industriels de la nutrition animale ne sont ni inquiétés ni sollicités pour payer la facture d'une crise dont ils sont largement responsables...

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