Cherbourg : Un procès qui soulève l’indignation19/01/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/01/une-1697.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Cherbourg : Un procès qui soulève l’indignation

Un procès contre une militante de Lutte Ouvrière a soulevé une certaine émotion dans la ville de Cherbourg. Elle était poursuivie par la gendarmerie maritime pour distribution de tracts devant l'Arsenal de Cherbourg, au titre d'un obscur article du code de la route, l'article R 235, qui stipule que "le fait de distribuer des prospectus, tracts ou images aux occupants d'un véhicule circulant sur la voie publique est puni d'une amende prévue pour les contraventions de 4e classe", c'est-à-dire pouvant aller jusqu'à 5 000 F.

Dès que l'affaire a été connue, tout ce que la ville compte de militants politiques et syndicaux se sont sentis concernés : en effet, l'endroit incriminé est celui où tout le monde distribue des tracts aux ouvriers de l'Arsenal, et cela depuis des décennies. La tentative de la gendarmerie, si elle était couronnée de succès, pouvait créer un précédent et permettre demain, de façon complètement arbitraire, l'interdiction de la distribution de tout tract.

Un comité de soutien composé de la majorité des organisations politiques et syndicales s'est constitué, qui a affirmé publiquement son soutien à la militante. Près d'une centaine d'ouvriers de l'Arsenal, syndiqués ou non, des responsables syndicaux et politiques de la ville, ont attesté par écrit qu'ils avaient eux-mêmes distribué des tracts à l'endroit reproché, et que personne ne leur en avait jamais fait grief. Un tract a été diffusé conjointement par toutes les organisations, PS, PCF, LO, Ligue des Droits de l'Homme, Greenpeace, Maison des Chômeurs, CGT, CFDT, FO, UNSA-FADN, devant les portes de l'Arsenal pour appeler les ouvriers à venir manifester leur soutien devant le tribunal de police le jour du procès mardi 9 janvier.

Les principales organisations syndicales de l'arsenal, CFDT, CGT, FO et UNSA-FADN, ont appelé ce jour-là à une heure de débrayage pour permettre à ceux qui le souhaitaient d'assister au procès.

Le jour du procès, environ 150 personnes étaient présentes. La salle du tribunal était archi-comble, la juge n'avait jamais vu ça pour une simple affaire d'infraction au code de la route !

Des témoins sont venus à la barre affirmer qu'eux- mêmes avaient distribué à cet endroit : le secrétaire de l'Union locale CGT, un responsable de la CFDT, un responsable du PS et un retraité venu raconter qu'il distribuait des tracts bien avant la Deuxième Guerre mondiale. Il a ajouté que la seule période où il n'en avait pas vu parce qu'ils étaient interdits, c'était à l'époque où "les uniformes n'avaient pas la même couleur qu'aujourd'hui" !

Le représentant du ministère public s'était fait tout petit, et n'a pratiquement interrogé aucun témoin. Il a fait une déclaration affirmant que lui-même et la gendarmerie étaient très attachés aux libertés publiques, que l'affaire n'était qu'une infraction au code de la route et que vu le contexte, il demandait une dispense de peine.

Pas question, a répliqué l'avocat, qui a demandé la relaxe pure et simple, accusant les gendarmes de dévoyer un article du code de la route à des fins répressives.

Au terme de deux heures de procès, le jugement a été mis en délibéré au 13 mars. Tous les présents étaient satisfaits de son déroulement et tout le monde était parfaitement décidé à aller jusqu'au bout pour qu'il n'y ait pas une jurisprudence contre la liberté d'expression.

Cette affaire arrivait dans un contexte où plusieurs personnes, avaient été attaquées par divers tribunaux pour des actions militantes. Des écologistes de Greenpeace ont été condamnés parce qu'ils avaient barré une rue lors d'une protestation contre le naufrage du Ievoli Sun. Des syndicalistes s'opposant au travail du dimanche à l'occasion des fêtes se sont vu interdire de se trouver à moins de cent mètres de l'entrée d'une grande surface le dimanche 17 décembre, sous peine d'une forte amende.

C'est une raison supplémentaire pour mettre en échec la gendarmerie, qui espérait bien que ce procès-verbal passe inaperçu. Il faut dire que, pour l'instant, c'est vraiment raté !

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