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Dans le monde
Russie : Les impôts ça rentre, et surtout ça sort...
En Russie, la non-perception des impôts est une des manifestations de l'impuissance de l'Etat face aux privilégiés du régime qui refusent d'acquitter leurs impôts (pour ce qui concerne les travailleurs, le fisc les prélève directement sur les salaires) et une des causes de sa faiblesse persistante, privé qu'il est de moyens de financement. Lors de son élection, en mars, le président Poutine avait annoncé son intention de remettre de l'ordre, là aussi...
A sa demande, les douanes russes ont publié un rapport sur la façon dont les compagnies pétrolières du pays "fraudent légalement le fisc" en n'acquittant pas 9 milliards de dollars de taxes par an (65 milliards de francs) au titre de leurs seules exportations.
Le mécanisme est des plus simples. Le prix de la tonne de pétrole tourne autour de 160 dollars sur le marché intérieur russe (bien inférieur aux cours mondiaux) et l'Etat a fixé à 210 dollars son prix à l'exportation. Or ces compagnies déclarent écouler leur pétrole à l'étranger entre 35 et 75 dollars la tonne, et ne paient donc des taxes que sur une base trois à six fois moindre que celle fixée par l'Etat tandis que ce qu'elles reçoivent de leurs clients internationaux est plus proche de 210 dollars. La différence, comme de règle pour les exportateurs russes, n'est jamais rapatriée mais placée à l'étranger.
Face à cela, le Kremlin voudrait tripler les taxes sur les prix affichés par les compagnies pétrolières, lesquelles pleurent qu'en les étranglant financièrement il les condamne à ne plus investir. Il s'agit bien sûr d'une comédie dont les autorités russes sont les dupes consentantes.
Car, en Russie, on ne peut piller le fisc, et plus encore l'économie, sans appuis au plus haut niveau. Poutine en sait quelque chose, lui qui, du temps pas si lointain où il était colonel du KGB et maire adjoint de Saint-Pétersbourg, couvrait de tels agissements. Tout comme des dizaines de milliers de responsables de haut niveau continuent de le faire en toute impunité. Cela explique, par exemple, que les pays Baltes - bien que n'ayant pas de ressources pétrolières et minières et bien qu'en principe soumis à un embargo sur ces produits par les autorités russes - exportent une bonne part du pétrole et des métaux rares de Russie.
Ensuite, les compagnies pétrolières russes (publiques, ou privatisées sous la houlette des clans de la bureaucratie dirigeante) n'investissent pas en Russie. A tel point que ce secteur de l'économie est l'un des plus sinistrés par absence d'investissements et que, selon le gouvernement russe, 80 % des infrastructures pétrolières sont hors d'âge (on ne compte plus les catastrophes humaines et écologiques que cela provoque). Mais ces compagnies, qui ont des milliards de dollars sur des comptes en Occident, n'ont nulle envie de moderniser des installations encore capables de rapporter les devises qu'elles détournent.
Quant aux compagnies occidentales, qui jugent que le pétrole russe ne pourrait leur rapporter qu'au prix de gros travaux, elles continuent à se faire désirer, entre autres parce qu'elles s'effrayent des dépenses qu'elles devraient engager avant de dégager des profits.
Alors, ou bien le gouvernement russe tente de faire rentrer ses impôts (il évalue à un quart du budget ce que lui volent les compagnies pétrolières), mais il lui faudrait pour cela s'en prendre à lui-même, en la personne d'innombrables membres de son appareil d'Etat qui s'enrichissent en pillant le fisc et l'économie. Ou bien il cède à leur chantage, camouflé sous le prétexte du financement de l'économie par les sociétés pétrolières, et continue ainsi à pousser à la roue du cercle vicieux "affaiblissement de l'Etat-pillage des finances publiques-régression de l'économie" dans lequel le pays se débat depuis la disparition de l'Union soviétique.