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- Lutte ouvrière n°1694
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Lire : Luz ou le temps sauvage (d’Elsa Osorio)
(LUZ OU LE TEMPS SAUVAGE d'Elsa Osorio. Editions Métailié, 352 pages, 125 F)
Ce roman a pour thème les enfants volés à des opposantes, enlevées, torturées puis exécutées par des militaires pendant la dictature argentine, entre 1976 et 1983, au cours de laquelle 30 000 personnes disparurent. Les enfants enlevés furent "adoptés" par des familles de militaires, de tortionnaires qui avaient procédé ou fait procéder à l'exécution des parents.
Construit entièrement sous la forme d'un retour en arrière, le récit nous plonge dans l'Argentine de 1976, quand Luz, l'héroïne du livre, est arrachée à sa mère Liliana, criblée de balles par son gardien-tortionnaire. Le bébé, destiné au départ à la compagne de l'assassin, une prostituée au grand coeur prénommée Miriam, est finalement remis à un haut gradé de l'armée dont la fille vient de perdre son enfant en couches.
L'enfant grandit dans un cocon bourgeois auprès d'une mère "adoptive" imbue de ses préjugés de classe et de sa vénération pour l'ordre établi et les militaires. Ce personnage de femme, dont la description au vitriol traverse tout le roman, incarne l'arrogance des possédants et leur détermination farouche à préserver coûte que coûte leur domination et leurs privilèges sans le moindre état d'âme devant les moyens employés.
Le récit, même s'il tombe dans certaines facilités pour entretenir le suspense, rappelle le climat de terreur dans lequel cette "guerre sale", comme on l'a appelée, a plongé l'Argentine il y a quelques dizaines d'années. Les milliers de jeunes, pour la plupart étudiants, qui au début des années soixante-dix rejoignirent les rangs de groupes guérilleristes comme les Montoneros, la guérilla péroniste, ou l'ERP (Armée révolutionnaire du peuple) sont évoqués. Leur contestation fut brisée par l'armée qui exerça directement le pouvoir après le 24 mars 1976 et usa de tous les moyens pour maintenir l'ordre des possédants et de l'impérialisme.
Les événements n'apparaissent qu'en toile de fond et de façon souvent allusive. Mais l'auteur rappelle comment Alfonsin, le président civil qui succéda au régime militaire, fut le premier à mettre l'institution de l'armée à l'abri de la majorité des poursuites en faisant voter en 1987 une loi d'amnistie dite de "l'Obéissance due". Son successeur, le péroniste Menem, compléta ce dispositif. Le récit se fait l'écho de l'indignation qu'entraîna dans le pays cet acquittement pur et simple ainsi que des manifestations qui s'ensuivirent.
D'une lecture facile, à travers le destin d'une femme, ce roman évoque les événements traversés par la population argentine au cours de ces années de terreur. Il constitue ainsi une introduction utile pour tous les lecteurs qui voudraient en savoir plus.