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Dans les entreprises
Lever - Haubourdin (Nord) : Les travailleurs ne baissent pas les bras
Lundi 18 décembre, nous étions 350 autour d'un couscous dans un atelier de l'usine transformé en restaurant.
Contrairement à tous les sceptiques et aux politiciens prêcheurs de renoncement qui nous prédisaient le pire avenir - le licenciement sec et le départ du repreneur - si notre lutte se poursuivait, nous sommes encore dans l'usine en cette fin d'année, et nous y serons encore, et avec notre salaire, en janvier 2001, après plus de 8 mois de mobilisation et de manifestations.
Ce n'est que très lentement que la direction de Lever cède aux revendications que nous avons mises en avant dès le début, si elle ne renonçait pas à son plan de fermeture de l'entreprise.
Sur le million d'indemnités supplémentaires que nous exigions, en plus des indemnités conventionnelles de licenciement, la direction de Lever ne s'est engagée que pour 300 000 F pour les salariés licenciés, et il a fallu trois étapes - et plusieurs "visites" des sièges de direction - pour y arriver. Cela représente des indemnités nettement plus élevées que celles qui sont obtenues dans beaucoup d'entreprises qui licencient, dans la région, même si c'est une somme nettement insuffisante pour faire face à l'avenir.
Quant à la pré-retraite payée par Lever, pour tous ceux qui ont plus de 50 ans, elle n'est pas encore acquise. Mais la somme des mesures proposées par Lever, notamment le maintien du niveau du salaire pendant 3 ans, avec les mesures étatiques, comme le plan de "cessation d'activité de salariés âgés dans les industries chimiques" (CASA-IC) dernièrement signé par des syndicats, ainsi que des "congés de conversion", pourraient permettre à une bonne partie des 220 salariés de plus de 50 ans de maintenir plus ou moins leurs revenus jusqu'à la retraite, même si c'est au prix de la mise en place d'une véritable "usine à gaz" administrative.
Cependant, en l'état des négociations actuelles, le licenciement, avec un "talon" de 300 000 F et les indemnités de chômage seraient financièrement plus intéressants, pour beaucoup de ceux qui ont plus de 52 ans, que le passage par tous les labyrinthes administratifs proposés. Seul le "talon" pour tous - ceux qui seraient licenciés comme ceux repris par Bilore - serait une mesure positive face aux difficultés à venir des salariés âgés.
C'est pour cela que la mobilisation s'est encore renforcée quand la direction a annoncé fin novembre que ceux qui opteraient, non pour le licenciement, mais pour la pré-retraite, au travers des démarches du congé de conversion puis du CASA-IC, ne toucheraient pas ce "talon" de 300 000 F. Du coup, fin-décembre, la direction a partiellement reculé et accorde maintenant 100 000 F à ceux qui choisiraient de ne pas être licenciés et que Bilore reprendrait ! Il reste deux marches à monter à la direction pour atteindre le "talon" égal pour tous... et sept pour le million!
Mais ce n'est pas le coût de nos revendications qui empêche la direction de les satisfaire.
En effet, les cadres de l'entreprise obtiennent, eux, plus d'un million d'indemnité de licenciement. Le salaire moyen des dix plus hauts dirigeants d'Unilever était de 682 000 F par mois en 1999, avec en sus un bon paquet de "stock-options". Le salaire mensuel le plus élevé dépasse le million. Ces gens-là touchent chaque mois ce qu ils refusent de nous accorder une fois. Et la totalité du coût des mesures que nous réclamons ne représente que 2,6 % des profits d'Unilever réalisés en 1999.
Quant au chantage du repreneur Bilore qui abandonnerait Haubourdin si la production ne reprenait pas en janvier, il s'est effondré lors de la rencontre avec son PDG mi-décembre. Il a lui-même avoué qu'il avait déjà acheté l'usine et que la première commande à livrer n'est que pour avril et la production pour début mars. Ces aveux n'ont pas dû plaire à tout le monde, car à la réunion suivante, il tentait de revenir sur ces propos. Mais si la direction de Bilore est vraiment pressée d'occuper les murs, elle peut toujours faire pression sur les dirigeants de Lever.
Notre mobilisation à 200-300 pendant 8 mois a démontré que l'on pouvait faire reculer, au moins partiellement la direction d'un trust comme Unilever. La mobilisation de 300 000 travailleurs, mieux de 3 millions, pourrait modifier radicalement le rapport des forces avec le patronat en faveur des salariés.