La SPN, à Fourmies, emploie soixante-treize travailleurs pour faire du dépolissage de flacons. Ceux-ci viennent des Verreries de Momignies (Belgique), sont traités à l'acide à Fourmies et repartent en Belgique. Si la SPN (semi-filiale des Verreries, elles-mêmes filiales d'un trust) s'est installée à Fourmies, c'est, de l'aveu du patron, parce que le taux de chômage permet d'imposer des salaires inférieurs de 30 % à ceux de la maison mère, d'une part ; d'autre part parce que la loi (ou son application) y est moins regardante sur les conditions d'hygiène et de sécurité qu'aux Verreries (qui emploient huit cents salariés).

Ainsi l'aspiration des vapeurs d'acide est très insuffisante. Il a même fallu que des travailleurs débrayent pour obtenir que les courroies des ventilateurs soient changées. Les tuyaux d'eau, les gants protecteurs sont rafistolés avec du scotch, toute réparation coûte trop cher, le matériel neuf est une denrée inconnue. Les brûlures à l'acide sont fréquentes. Les cadences élevées, les lourdes charges sont cause de nombreuses tendinites, problèmes osseux et articulaires. A un ouvrier qui en faisait la remarque, le patron a répondu : «On fait maintenant d'excellentes prothèses». Quant aux médecins de Fourmies, lorsqu'ils voient un patient souffrant du canal carpien, de saignements de nez, les cheveux, la peau et les dents abîmés, il sait qu'il vient de la SPN.

Il y a une prime de production de 300 F, mais le patron fixant lui même la cadence, la prime est rarement touchée. La semaine passée, après huit heures de boulot la tête dans le guidon, on était en retard de trois heures, d'après le patron. Prétexte à nous insulter, ce qui est fréquent, nous traitant de «fainéants» lui qui ne sort jamais les mains de ses poches.

Au bout de douze ans d'ancienneté, toutes primes confondues (ancienneté, production, bain, équipe, qualité... lorsqu'on les touche), un ouvrier à la production, en deux fois huit, touche 7 300 F. Mais un nouvel embauché gagne 5 900 F tout compris. Et un intérimaire ou un travailleur sous contrat, payé sur la base de 35 heures, gagne 1 425 F une semaine, 1 209 F l'autre.

En conséquence la grande majorité des ouvriers, y compris les précaires, sont en grève depuis lundi 4 décembre. Aucune production ne sort, les drapeaux rouges sont plantés sur l'usine. Les grévistes exigent 1 000 F d'augmentation, le 13e mois, la baisse des cadences, la suppression des quinze jours de carence en cas de maladie, des embauches. Ils sont décidés à ne reprendre le travail que lorsque les travailleurs précaires ou à l'essai seront embauchés sur la base des nouvelles conditions obtenues par la grève.

Mercredi 6 décembre, les grévistes sont allés informer les ouvriers de Momignies. L'accueil a été chaleureux. Le jeudi, les syndicalistes de l'usine-soeur de Gamaches (Somme) sont venus en visite. Les feuilles de paye et les conditions de travail ont été comparées. Le samedi matin, un tract informant la population a été distribué au marché de Fourmies et dans les supermarchés.

Lundi soir 11 décembre, le patron s'est enfin manifesté. Il ne veut pas entendre parler des revendications et menace de fermer l'usine. Les grévistes de la SPN refusent de «choisir» entre crever au boulot ou crever au chômage. Alors ils maintiennent leurs revendications et la grève continue!