L’Europe du fric et l’Europe de la rue15/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1692.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

L’Europe du fric et l’Europe de la rue

Le couple Chirac-Jospin, dans la plus parfaite union, invitait la semaine passée à Nice tout le gratin des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Europe. Ceux des 15 Etats qui ont déjà scellé une alliance et ceux de 13 autres, dont des pays de l'Est, qui poussent pour s'entendre dire «bienvenue au club»... Drôle de continent formé d'une mosaïque de pays enchevêtrés dont chaque gros trust voudrait faire son empire et dont pourtant l'union économique et politique n'avance qu'en tortue ou en crabe parce que chacun des fiefs capitalistes qui la composent veut préserver à ses magnats de l'industrie et de la finance les conditions d'un profit maximum. Et de chercher à protéger leurs bagnoles, leurs vaches folles, leurs molécules pharmaceutiques et même leurs croûtes d'emmenthal sur lesquelles la Cour européenne de justice vient de statuer! Ils n'ont pas fini de marchander autour de fromages capitalistes à préserver!

Mais l'élargissement de l'Europe a néanmoins connu un succès inattendu à Nice! Elargissement à 80 000 invités surprise, travailleurs et jeunes venus de tous les coins du continent pour contre-manifester et affirmer qu'ils voulaient une autre Europe que celle du fric qui écrabouille les hommes. 80 000 pour dire au Capital : Nice ta mère! A tous ceux-là, la promenade des Anglais a été strictement interdite. La ville a été barricadée par des milliers de flics, sans oublier les cordons de sécurité qui filtraient la montée dans les trains partout en France ou à la frontière italienne! Rien d'étonnant si ce quadrillage a provoqué quelques débordements, quelques bris de vitrines d'agences bancaires et immobilières qui se feront rembourser par leur assurance bien plus vite que les malheureux dont le toit a été emporté par la tornade.

Il n'en reste pas moins que pour la première fois aussi massivement, une partie du mouvement ouvrier d'Europe s'est retrouvé ensemble à battre le pavé. Dans un spectaculaire coude à coude. Et cette marée humaine du mercredi 6 décembre a raflé la vedette aux simagrées des ministres, sous-ministres et sous-fifres en costume-cravate.

Certes, la mobilisation a été réalisée à l'initiative de la Confédération européenne des syndicats, super-bureaucratie syndicale qui déplore seulement qu'il n'y ait «pas assez d'avancées sociales»... Il était flagrant que les confédérations syndicales qui ont appelé à manifester, organisé les voyages et les cortèges d'une multitude de pays, étaient davantage préoccupées par le nombre de manifestants rassemblés derrière leurs sigles que par l'affirmation de revendications collectives et de perspectives générales de lutte. La CGT française a tout particulièrement réussi sa démonstration de force, bien que son appel soit pourtant resté confidentiel dans bon nombre d'entreprises! Mais si cela prouve quelque chose, c'est que ce n'est pas le répondant qui manque.

Et les travailleurs d'Italie, d'Espagne, d'Allemagne, de Pologne, Slovénie, France ou Navarre, se seraient déplacés plus nombreux s'il s'était agi de mettre en avant la nécessité d'une augmentation générale de 300 euros, d'un salaire minimum et de minima sociaux de 1 200 euros - net! -, l'interdiction des licenciements et privatisations, l'embauche dans les services publics et la fin des p'tits boulots et de la précarité. De telles manifestations pourraient et devraient marquer des étapes d'une offensive générale. Ce droit de grève européen sur lequel les politiciens mégotent pour l'inscrire dans une Charte des droits fondamentaux qui n'est qu'un chiffon de papier, les travailleurs du continent peuvent l'appliquer sans attendre.

Il faut que le mouvement ouvrier qui a montré une petite partie de sa force à Nice, ne s'en arrête pas là. Il faut qu'il se serve de sa force pour rassembler derrière lui ces jeunes qui cherchent, isolément ou dans le cadre d'associations, à bouleverser cette société malade du fric et du profit.

Editorial des bulletins «l'Etincelle» du 11 décembre 2000 publiés par la Fraction

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