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Dans les entreprises
Lever Haubourdin (59) : La direction doit reculer
Malgré les 17 milliards de francs de profits en 1999, l'équivalent du salaire et des charges de 90 000 ouvriers, le trust Unilever compte supprimer 25 000 emplois pour faire passer son taux de profit de 11,5 % à 15 % en quatre ans. La direction de Lever-France (850 salariés) était chargée de liquider le site d'Haubourdin avec ses 450 salariés, alors que l'entreprise a réalisé 130 millions de francs de bénéfice en 1999 (+18%), pour un chiffre d'affaires en hausse de 11 %.
En avril 2000, la direction espérait nous jeter dehors, juste avec les indemnités légales de licenciement, plus un « dispositif de retour à l'emploi » bidon et quelques améliorations très limitées pour 220 d'entre nous qui ont 50 ans et plus, et qui n'ont quasiment aucun espoir de retrouver du travail.
Un repreneur, la société espagnole Bilore, réembaucherait 230 des licenciés, mais avec des salaires 20 % inférieurs, sans les primes actuelles et sans reprise de l'ancienneté, c'est-à-dire avec des payes réduites de 40 %. Comme la production de poudres de lessive « sans marque » annoncée serait équivalente à celle de Lever avec 230 emplois au lieu des 450 actuels, cela voudrait dire un doublement de la charge de travail!
Huit mois de mobilisation...
Alors depuis le début du mois d'avril la mobilisation n'a pas cessé. Deux revendications ont recueilli une très large adhésion :
- 1 million de francs net dégagé d'impôt pour tous, en plus de l'indemnité légale de licenciement, comme garantie contre la misère des indemnités de chômage, et pour avoir le temps de retrouver un travail correct.
- la retraite à partir de 50 ans, payée par Lever, car ceux qui ont passé des dizaines d'années de leur vie à enrichir leur entreprise méritent de se reposer et de laisser la place aux jeunes.
Bien sûr, les directions de Lever et d'Unilever, Martine Aubry, les députés et autres élus, de gauche comme de droite, nous disent sur tous les tons que nos revendications ne sont pas raisonnables!
Comme s'il était « raisonnable » que quelques dizaines de représentants des plus grandes fortunes de la planète décident de se débarrasser de 25 000 salariés!
Dans la région, déjà fortement touchée par le chômage, cela ferait, avec les familles, 1 000 personnes de plus qui vivraient dans l'angoisse de l'avenir.
Nous avons décidé de ne pas être « raisonnables », soit en empêchant la fermeture de l'entreprise si nous le pouvions, soit en imposant à Unilever de prendre sur ses bénéfices pour soulager un peu les conséquences de ses licenciements.
Nous avons mis nos forces en commun à plusieurs reprises, avec d'autres entreprises autour de Lille, menacées de licenciements ou de fermeture, comme Alstom à Lys-lez-Lannoy.
... pour qu'elle commence à reculer
De mois en mois, la direction de Lever a dû reculer.
Elle a d'abord cédé 100 000 F d'indemnité supplémentaire de licenciement pour tous, puis 200 000. Elle en est à 300 000 aujourd'hui.
Pour ceux qui seraient repris par Bilore, Lever a cédé il y a quelques mois la garantie des salaires et primes actuels pendant 3 ans.
Mais la direction de Lever refuse toujours d'ouvrir à ceux qui ont 50 ans et plus la possibilité d'arriver à l'âge de la retraite avec un revenu équivalent à celui qu'ils ont aujourd'hui.
Des négociations ont eu lieu entre la direction de Lever, la Direction Départementale du Travail (DDTE), le Préfet et les représentants du personnel. Mais il en ressort toujours pour le moment que les salariés de plus de 50 ans auraient d'importantes pertes de revenus avant d'accéder à la retraite. Et cela est inacceptable.
Le versement de nos salaires n'a jamais été interrompu, mais plus aucune production n'est effectuée. Alors la direction a essayé le chantage sur les salaires. Mais sous la pression d'une quarantaine d'entre nous qui avaient déjoué les barrages policiers pour s'introduire discrètement dans les locaux très protégés d'une réunion de négociation, la direction a eu 15 minutes, montre en main, pour revenir sur sa déclaration, sinon elle était avertie que des machines d'Haubourdin finiraient leur vie dans la Deûle, le canal qui longe l'entreprise.
La direction, qui a déjà vécu des « ménages » en profondeur dans deux de ses sites directoriaux, à Waterloo en Belgique et à Rueil-Malmaison près de Paris, n'a pas hésité longtemps pour retirer sa menace.
Maintenant, le chantage c'est : si Bilore ne peut pas démarrer en janvier, il partira ailleurs! Mais cela n'émeut pas grand monde.
Il semble aussi que la direction apprécie de moins en moins nos visites dans les hypermarchés : les relations commerciales des distributeurs avec l'usine d'Haubourdin pourraient être remises en cause!
Nous, nous y prenons de plus en plus goût. Le personnel des magasins, malgré le travail supplémentaire que cela lui occasionne, affiche régulièrement des signes de sympathie et de solidarité quand nous sortons les produits d'Unilever des rayons, pour en charger parfois plus d'une centaine de caddies, abandonnés ensuite près des caisses, ou renversés au beau milieu des allées quand les cadres se font désagréables.
Ce sont des moments privilégiés pour tenir des forums de discussions avec les clients qui sont pour la plupart des salariés comme nous et qui sont très sensibles à ce que nous disons sur la nécessité d'une lutte d'ensemble pour interdire les licenciements.
Martine Aubry et d'autres éminents élus socialistes font courir le bruit que « les extrémistes » vont faire perdre les 230 emplois de Bilore. Cette ancienne bras droit de Gandois, PDG de Pechiney, supporte difficilement que de simples salariés s'opposent par tous les moyens à leur disposition à leur licenciement et à la misère.
Et elle craint peut-être que l'impopularité de la politique de la gauche plurielle, qui laisse les mains libres aux patrons pour licencier à leur guise, lui rende plus difficile la conquête de la mairie de Lille en mars...
Pourtant, si Bilore veut son usine en janvier, ce n'est pas difficile, il suffit de satisfaire nos revendications!