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Amiante : Le gouvernement couvre encore les patrons
En annonçant avant son départ du gouvernement la création d'un Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, Martine Aubry avait déclaré vouloir mettre fin au casse tête juridique en face duquel se trouvaient celles-ci lorsqu'elles voulaient toucher leurs indemnités. Elle avait par contre été beaucoup plus discrète sur un aspect de son texte qui soulève aujourd'hui l'indignation des associations. L'indemnisation par ce fonds interdirait en effet aux victimes de poursuivre devant les tribunaux civils leurs anciens employeurs, responsables de leur exposition à l'amiante et donc de leur maladie.
Alors que 2 000 procès sont actuellement en cours sur la question, et que le nombre de décès liés à l'amiante devrait atteindre 100 000 d'ici 2025, cette restriction n'est pas innocente. Hypocritement, le gouvernement affirme que le Fonds d'indemnisation, lui, pourra porter plainte. Certes. Mais quand on sait que les représentants du MEDEF et de l'Etat y siégeront en nombre face à un seul délégué des victimes, on peut parier à coup sûr que les Eternit, Atochem, Sollac et autres gros pourvoyeurs des cancers de l'amiante n'auront pas à se plaindre de cette procédure.
Il a fallu un siècle pour que les méfaits de l'amiante soient reconnus et que la France, après d'autres pays, en interdise l'utilisation en 1996. Les industriels ont continué tant qu'ils l'ont pu d'utiliser ce produit dont la nocivité était connue. Quant aux gouvernements, jusqu'en 1996, ils ont largement contribué à organiser la conspiration du silence et à retarder les mesures qui s'imposaient.
Ce n'est que ces dernières années, devant l'ampleur du scandale, qu'il a bien fallu que le gouvernement Jospin prenne un certain nombre de mesures en faveur des victimes. Il leur a concédé la retraite à taux plein à 50 ans, puis ce fonds de 2 milliards destinés à l'indemnisation des victimes. Mais si cela a pu se faire, c'est presque uniquement grâce à la ténacité des victimes, de leurs familles et de leurs camarades de travail, en particulier pour mener des actions sur le plan juridique.
Aujourd'hui, leurs associations ont mille fois raison de se méfier et de ne pas accepter, comme le dit le président de l'une d'entre elles, « d'échanger l'indemnisation des victimes contre l'impunité des coupables ».