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Leur société
Travail précaire : C’est bonus pour les patrons
Le serpent de mer de la taxation du travail précaire a refait surface dans la "déclaration commune" rédigée à l'issue du sommet de la gauche plurielle du 7 novembre dernier : on y lit qu'"il convient de pénaliser financièrement le recours aux emplois précaires par un système de bonus / malus et en développant la reconnaissance des droits des salariés précaires." Ce que le PS reprend dans un document récent qui est censé énumérer les engagements des mois à venir. Le premier secrétaire du PS, Hollande, y déclare : "Nous proposerons dans les prochaines semaines une pénalisation financière des entreprises qui recourent, de façon abusive, aux emplois précaires."
Vu le nombre de fois où ce projet a été agité par le gouvernement pour retomber tout aussi vite aux oubliettes, on a toute la mesure du peu de poids que leurs auteurs donnent eux-mêmes à leurs affirmations. Mais dans une période électorale, il faut bien faire mine de s'intéresser au sort de la population laborieuse. Et du coup, on ressort des tiroirs les vieilles promesses.
Depuis près de vingt ans les emplois précaires ne cessent de progresser pour atteindre officiellement le chiffre de 1 525 000 dont 550 000 en intérim et 975 000 en CDD. Et bien sûr pas uniquement, loin de là, dans des secteurs dits saisonniers comme l'agriculture où le recours aux CDD atteint 17 % du nombre des salariés pendant la période des récoltes ou l'hôtellerie-restauration où il atteint 10 %. Le travail temporaire représente aussi 18 % de l'emploi dans la construction ; en réalité la plus grande partie de l'industrie se sert de la précarité à commencer par les plus grandes entreprises comme Citroën, où dans l'usine d'Aulnay-sous-Bois travaillent 1 800 intérimaires sur 5 000 employés.
L'Etat donne l'exemple en faisant appel de plus en plus massivement à des précaires dans la Fonction publique, qu'il s'agisse de l'Education nationale ou de La Poste. Ainsi dans le bilan social 1999 de La Poste, on apprend que le nombre de CDD y est passé de 16 669 à 24 112, en augmentation de 29,16 % en un an ! Sans compter les centaines de milliers d'emplois-jeunes qui sont encore venus s'y ajouter. Pour un même travail, voire bien souvent des travaux plus dangereux, pénibles ou ingrats, des centaines de milliers de travailleurs touchent une paie bien plus faible, avec la menace constante de perdre tout gagne-pain. En mettant ainsi les salariés en concurrence, sur vingt ans le patronat et les gouvernements successifs ont tiré l'ensemble des salaires vers le bas.
A la veille de son congrès, le PS voudrait faire semblant de jouer l'aiguillon social du gouvernement et prétend qu'il déposera, lors de la discussion à l'Assemblée nationale en janvier 2001, des amendements au projet de loi "de modernisation sociale" dans lequel le gouvernement propose l'allongement du délai devant s'écouler entre deux CDD, ou deux missions d'intérim, sur un même poste, sans pour autant évoquer aucune mesure de contrainte. Le PS ressort donc l'idée de malus sur les cotisations sociales, qui "taxerait" les entreprises abusant de l'emploi précaire, et de bonus pour "récompenser" les entreprises vertueuses. Comme si, depuis les années que cela dure, la généralisation de la précarité n'était pas dans son ensemble un abus intolérable !
En réalité, comme chaque fois que la gauche menace les patrons pour les inciter à ne pas en prendre trop à leur aise, c'est compensé par une "récompense" qui viendra s'ajouter aux dégrèvements de charges sociales dont le patronat est déjà amplement gratifié. Si tant est que ces timides déclarations aillent jusqu'au bout, ce qui est peu probable, elles ne constituent que la énième version d'une recette dont le PS ne cesse d'abuser.