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Argentine : Contre un nouveau plan d’austérité, l’explosion sociale
Le 10 novembre, la police du gouverneur de Salta, une province du nord-ouest de l'Argentine, a assassiné un chauffeur d'autocar de 36 ans. Il protestait avec d'autres travailleurs de la compagnie de cars «Atahualpa», dont les patrons sont des proches de Romero, le gouverneur de cette province. Ces travailleurs ont été licenciés mais leurs patrons leur doivent dix mois de salaire. Ils étaient 500 à manifester avec d'autres chômeurs quand la police leur a tiré dessus.
Cet assassinat a déclenché une émeute dans la ville de Tartagal. Plusieurs bâtiments officiels ont été incendiés et pillés. Les manifestants ont même gardé des policiers en otage pendant quelques heures. Les principales organisations syndicales argentines, notamment les deux CGT et la CTA, annoncent grèves et manifestations dans les jours qui viennent.
Depuis quelque temps, il y a eu des manifestations de chômeurs ou de travailleurs licenciés dans plusieurs provinces, qui barrent les routes ou les chemins de fer pour faire entendre leur protestation. Trois mille chômeurs ont ainsi manifesté au début du mois dans la province de Buenos Aires, où se concentre le tiers de la population du pays, souvent très pauvre.
Les chômeurs protestent contre les réductions de minima sociaux, réduits pour les chômeurs de 200 à 120 pesos (un peso vaut un dollar). Dans certaines provinces les chômeurs réclament 50 dollars de plus que ce qu'ils touchent. Les plus radicaux veulent une prime de 500 pesos et des minima garantis variant de 230 à 280 pesos.
Le gouvernement présidé par Fernando de la Rua, dirigeant de l'Alliance, la coalition de centre-gauche du Parti Radical et du Frepaso qui a chassé le parti péroniste et Carlos Menem l'année dernière, cherche à calmer la protestation dans le nord du pays.
Mais les mesures qu'il vient d'annoncer ressemblent à de l'huile jetée sur le feu. De la Rua ne va pas dans le sens de satisfaire au moins partiellement les revendications des chômeurs, des travailleurs et des retraités qui, tous, à un degré ou à un autre, font les frais d'une crise économique qui profite largement à la bourgeoisie argentine, et qui connaît une aggravation sensible ces derniers temps. On parlait d'un chômage à 20 % il y a deux ans, il est désormais de 30 %, ce qui veut dire que nombre de personnes plongent dans la misère, que ceux qui ont encore un emploi craignent plus que jamais de le perdre.
Comme tous les dirigeants de la planète, et comme l'avait fait son prédécesseur Menem, de la Rua vient en effet de proposer de nouvelles réductions massives des budgets publics. Il entend démanteler le système de Sécurité sociale, réviser les retraites des employés de la fonction publique, allonger l'âge de départ en retraite des femmes de 60 à 65 ans, privatiser le système de santé et même une partie de la collecte de l'impôt. Il y a quelques mois, il avait sabré dans la législation sociale, énième "réforme du code du travail", une façon d'aggraver encore les conditions d'existence de l'ensemble de la population ouvrière, une politique menée là encore avant lui par les péronistes. C'est en connaissant ces «points communs», et au moment où il rencontre des difficultés avec ses alliés du Frepaso, que de la Rua s'est adressé à l'opposition péroniste en lui demandant son soutien pour ce qu'il appelle cyniquement un "plan de sauvetage".
Il s'agit évidemment de garantir sur le court terme les intérêts des classes riches, qui affichent notamment au coeur de Buenos Aires un luxe insolent, avec pour contrepartie d'organiser un véritable naufrage des classes populaires, déjà fortement touchées par la crise économique de ces dernières années.
Si de la Rua n'obtient pas le soutien de l'opposition péroniste au Parlement, il s'en passera. Son ministre de l'Economie, Machinea, a déjà déclaré que si le Parlement n'approuvait pas ce nouveau plan d'austérité, il sera imposé par décret.
A moins que la révolte qui gronde ces jours-ci dans le nord du pays ne s'étende et oblige le régime de De la Rua à changer ses priorités. C'est en tout cas le seul recours dont dispose la population laborieuse : mettre en oeuvre tout son poids et toute sa force pour faire faire marche arrière au gouvernement.