Voir : Bread and Roses (de Ken Loach)10/11/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/11/une-1687.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

Voir : Bread and Roses (de Ken Loach)

Le dernier film du cinéaste anglais Ken Loach nous emmène en Californie et nous plonge dans l'univers des employés de nettoyage, la plupart clandestins venus d'Amérique centrale. Pour donner tout de suite le ton, la caméra suit l'arrivée mouvementée aux Etats-Unis de Maya, le personnage principal, qui échappe de justesse aux griffes de passeurs sans scrupules.

Elle a heureusement un point de chute aux Etats-Unis : la famille de sa sÏur aînée, elle-même déjà employée dans une de ces sociétés de nettoyage qui assurent l'entretien des grands immeubles de bureaux de Los Angeles. étape suivante pour Maya : trouver un emploi ; elle y consacre toute son énergie. Sa sÏur l'introduit, non sans mal, auprès de son responsable, un chef lui aussi sans scrupules, ancien immigrant lui-même.

Maya commence son travail en pleine campagne du syndicat des employés de ménage pour organiser les travailleurs de cette société. Ken Loach s'est inspiré d'une grève des employés d'entretien, qui a eu lieu à Los Angeles au milieu des années quatre-vingt-dix. Le film suit Maya et ses collègues dans leur lutte contre la peur du licenciement brutal, la résistance face à leur négrier de chef, la prise de conscience de la force que représente leur action organisée. On se révolte avec eux, on partage leurs colères et leurs espoirs, leur joie durant la grève et les manifestations qu'ils organisent, revêtus du T-shirt rouge à l'emblème de la campagne Justice for Janitors (justice pour les employés de ménage) organisée en Californie depuis plusieurs années par le SEIU (Syndicat international des employés de services), qui appartient à l'AFL-CIO.

Une partie des acteurs sont des syndiqués qui jouent leur propre rôle et on s'attache aux personnages, à l'instar de Maya, optimiste et énergique. Le syndicaliste qui organise l'agitation est un permanent rémunéré par le syndicat, dans le cadre de la campagne citée ci-dessus. Ken Loach nous le montre comme un " marrant ", selon ses propres termes, un partisan d'un " syndicalisme-jeu " qui organise des actions surprises spectaculaires et qui fait preuve d'une irresponsabilité évidente, lorsqu'à cause de négligences il provoque le licenciement de plusieurs employés.

Ken Loach s'est inspiré de luttes réelles, en avril 2000 à Los Angeles, où la mobilisation des employés a permis au syndicat de négocier un contrat prévoyant une augmentation de 75 cents de l'heure (entre 4 et 5 F) pendant trois ans, avec une prime de 500 dollars (environ 3 000 F) à la signature du contrat. L'essentiel du film réside dans la dénonciation des conditions de travail effroyables et précaires de ces travailleurs clandestins et dans le récit de leur lutte dynamique et communicative. Si Ken Loach émet une critique des responsables du syndicat, pour lesquels il vaut mieux se borner à des actions plus " classiques " et, d'après eux, plus rentables - du point de vue du syndicat. Mais son film n'a pas la prétention de faire une analyse de la politique des syndicats américains, ni du syndicalisme actuel aux Etats-Unis.

Il reste un film attachant, tourné comme un reportage, interprété avec conviction et qui parle avec chaleur de la vie et des luttes des travailleurs.

Viviane LAFFONT

Le lecteur qui voudrait en savoir plus sur la politique de l'AFL-CIO à l'égard des travailleurs immigrés, ses motivations et ses limites, peut se reporter à notre revue Lutte de Classe n°21, de juillet-août 1996.

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