L'éditorial d'Arlette LAGUILLER : Un gouvernement qui se dit impuissant... quand il s'agit de s'en prendre aux grandes sociétés10/11/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/11/une-1687.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

L'éditorial d'Arlette LAGUILLER : Un gouvernement qui se dit impuissant... quand il s'agit de s'en prendre aux grandes sociétés

Devant l'inquiétude causée par la maladie de la vache folle, le gouvernement s'agite beaucoup. Il évoque enfin la possibilité d'interdire toute utilisation des farines d'origine animale dans l'alimentation des porcs ou des poulets, comme cela a été fait pour les bovins. Il s'agite... mais ne fait rien, sous prétexte qu'il serait nécessaire de recueillir auparavant l'avis d'experts scientifiques. C'est que, interdire ces farines, porterait atteinte aux intérêts de leurs fabricants, liés pour la plupart à des trusts de l'agro-alimentaire. Et, pour nos ministres, les intérêts de ces trusts passent avant le fameux " principe de précaution " si souvent invoqué par ailleurs.

On vient d'apprendre d'ailleurs que la Confédération Paysanne avait attiré l'attention des pouvoirs publics, il y a quatre ans, sur le cas de sociétés qui avaient continué d'importer des farines animales anglaises (interdites à la vente en Grande-Bretagne)... sans que cela ait suscité la moindre réaction des autorités.

C'est que Jospin, comme le faisait Juppé, ne veut surtout pas prendre de mesures qui aillent à l'encontre des intérêts des grandes sociétés.

La maladie de la vache folle n'est d'ailleurs pas le seul exemple de cette impuissance politique dans l'actualité.

Moins d'un an après le naufrage de l'Erika, celui du Ievoli Sun a donné lieu aux mêmes déclarations sur le fait que le gouvernement français ne peut rien faire pour empêcher des navires mal entretenus de polluer les mers en cas d'accident.

Le gouvernement ne le peut-il vraiment pas ? Non, il ne le veut pas !

Car parmi toutes les sociétés qui affrètent des navires battant pavillons de complaisance et, cela va généralement de pair, mal entretenus, dont les équipages sont en outre sous-payés, il n'y a pas que des sociétés n'ayant rien à voir avec la France. Il y a aussi des entreprises bien françaises, ou commerçant avec la France, vis-à-vis desquelles le gouvernement ne manquerait pas de moyens de pression, s'il le voulait vraiment. Total, qui utilisait l'Erika est un groupe français. Shell pour le compte de qui naviguait le Ievoli Sun a de nombreux intérêts dans ce pays. On pourrait au moins leur faire payer l'intégralité des dépenses dues à leurs pratiques. Mais les ministres concernés préfèrent les discours sur la nécessité de parvenir à des règles européennes communes, tout en laissant entendre que cela ne résoudrait pas le problème, car en fait il faudrait des règles mondiales.

Il n'y a pas que dans le domaine de la maladie de la vache folle ou de la pollution maritime que le gouvernement se déclare impuissant. Tout le monde se souvient de la manière dont Jospin, après que Michelin eut annoncé des milliers de suppressions d'emplois (alors qu'il affichait des bénéfices florissants), se déclara incapable de faire quoi que ce soit pour l'en empêcher. C'est que là aussi, entre les bénéfices du principal trust français du caoutchouc et le problème pourtant dramatique de l'emploi, Jospin avait fait son choix.

Ce gouvernement, qui se prétend de gauche, n'est pourtant pas toujours inactif. Comme ses prédécesseurs de droite, il est tout à fait capable d'envoyer ses CRS contre des travailleurs qui manifestent, comme dernièrement à Lille, lors de l'inauguration d'une ligne de métro. Il est capable de voter des textes de loi qui favorisent le grand patronat, comme ce fut le cas avec la loi Aubry qui a, sous couvert d'instaurer les 35 heures, facilité la mise en place de l'annualisation du temps de travail et l'accroissement de la " flexibilité " dans les entreprises. Il est très actif pour distribuer des dégrèvements de charges sociales en faveur du patronat.

C'est qu'il est, précisément, dans le camp de la bourgeoisie et non dans celui des travailleurs.

A nous de le savoir et d'en tirer les conséquences.

Partager