Erika, Ievoli Sun : Sous-traitance de la pollution10/11/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/11/une-1687.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Erika, Ievoli Sun : Sous-traitance de la pollution

L'armateur du Ievoli Sun jure ses grands dieux que son bateau était en bon état, relativement récent, à double coque, et dirigé et manÏuvré par un capitaine et un équipage expérimentés. N'empêche qu'il a coulé !

Pourquoi exactement, on ne le sait pas au juste. Pour l'Erika il a fallu des semaines avant de savoir (et encore !). Et maintenant que l'Ievoli Sun repose par 80 mètres de fond, il y a des chances que l'on attende aussi...

Bien avant l'accident, de multiples contrôles avaient mis en cause l'entretien du navire, entraînant son arrêt à plusieurs reprises dans des ports, dont une fois peu de temps avant l'accident. C'est la même société Rina qui avait certifié l'Ievoli Sun et l'Erika. Les sauveteurs, qui n'ont pu rester longtemps sur le bateau avant qu'il ne sombre, ont fait état de portes étanches qui fermaient mal.

Et puis il y avait la tempête. Théoriquement ce genre de navire doit être capable d'affronter le mauvais temps... Jusqu'à un certain point.

Le capitaine est seul juge, et maître après... l'armateur ! Car la carrière du capitaine dépend du propriétaire du navire. Et s'arrêter trop souvent dans un port sous prétexte que la météo est mauvaise dans la Manche (ce qui arrive assez souvent) est certainement mal vu... D'ailleurs, pendant que l'Ievoli Sun coulait, des dizaines, sinon des centaines de navires continuaient à naviguer dans la tempête.

En fin de compte les armateurs, et derrière eux les " donneurs d'ordres ", font donc ce qu'ils veulent.

Et pour les trusts pétroliers le système est devenu encore plus opaque et plus dangereux qu'il y a quelques décennies.

Il y a quelques années, les compagnies pétrolières possédaient leurs propres navires, et leur responsabilité directe était engagée en cas de naufrage : l'Amoco Cadiz, l'Exxon Valdès par exemple, portaient les noms de grandes compagnies.

Aujourd'hui les ElfTotalFina, Shell, Exxon et consorts ont décidé de confier cette partie de leurs activités à des sociétés d'armement indépendantes. Depuis les années quatre-vingt, leur stratégie a été de se désengager du transport maritime, pour diminuer les coûts du transport, et de se dégager des responsabilités.

C'est d'ailleurs exactement ce qui se passe dans l'industrie, qui " externalise " une partie de ses activités considérées comme annexes. L'avantage pour les patrons est que les sociétés sous-traitantes utilisent une main-d'Ïuvre précaire, sous-payée et corvéable à merci. Les patrons sous-traitants paraissent indépendants, mais c'est une fiction : ils n'ont qu'un seul client.

Dans le transport routier c'est pareil : les patrons " donneurs d'ordres " ont obtenu d'avoir à leur service des patrons routiers qui se concurrencent pour les plus bas prix et les cadences les plus folles.

Eh bien, c'est devenu la même chose dans le transport maritime. Depuis plus d'un demi-siècle il existe des " pavillons de complaisance " (les capitaux n'appartiennent ni au minuscule Liberia ni au Panama, mais aux grands trusts de l'armement maritime). En plus, les trusts du pétrole - mais pas seulement eux - peuvent mettre en concurrence des armateurs, qui doivent pour emporter les marchés faire les meilleurs prix au détriment de la sécurité.

Alors on peut toujours incriminer des sociétés de certification peu scrupuleuses, des armateurs douteux. Les trusts du pétrole peuvent prétendre que leur bonne foi a été surprise par des armateurs qui leur ont refilé des rafiots pourris de rouille comme l'Erika ou à l'entretien bâclé comme l'Ievoli Sun, c'est leur système qui est responsable.

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