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- Lutte ouvrière n°1686
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Tribune de la minorité
Gauche peut-être plurielle mais singulièrement servile
En visite à Lille vendredi 27 octobre, où il devait inaugurer une nouvelle ligne de métro, Jospin, accompagné d'un certain nombre de ministres - dont trois du Parti Communiste - et de nombre d'élus, s'est fait accueillir par Martine Aubry, en pleine campagne électorale des municipales, mais aussi - et c'était moins prévu - par 300 manifestants de l'Alstom, de Siemens et de Lever, menacés de perdre leur emploi, qui criaient : " Jospin, du travail ! Pas des discours ! "
A ces derniers il a été répondu par un tir de grenades lacrymogènes et une violente charge de CRS. Le chef de la " gauche plurielle " stimulé par les détonations et les bousculades, a alors prononcé quelques paroles condescendantes sur le sort de ces " personnes qui ont, ici, été matraquées par le cataclysme industriel "... C'était sans ironie !
S'il est vrai que les patrons n'ont pas cessé de taper sur les travailleurs ces dernières années, force est quand même de reconnaître que dans cette tâche ils ont largement été épaulés par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche. Et celui de Jospin n'est pas en reste, il l'a montré avec sa prétendue loi des 35 heures, il vient d'en administrer une nouvelle preuve en s'engageant à reconnaître l'accord sur le Pare.
Gayssot le ministre PCF des transports, présent à Lille auprès de Jospin au moment des échauffourées, si l'on en croit Le Parisien du 28 octobre aurait dit : " Je comprends ces gens et je suis malheureux quand je vois cette violence ". D'autant plus malheureux que nombre des électeurs du PCF l'auront eux aussi sans doute vue et appréciée à une plus juste valeur que Gayssot, c'est-à-dire mise au débit du gouvernement de la " gauche plurielle ", qui montrait là son vrai visage.
Ca tombe d'autant plus mal pour le PCF que celui-ci tente en ce moment - les Verts aussi d'ailleurs - de se démarquer, " à gauche ", pour éviter de partager, sinon de récupérer, la plus grosse part du discrédit de la politique du gouvernement auprès des travailleurs. C'est ainsi que les députés du PCF n'ont pas voté la partie recettes du projet de budget pour 2001. Ils n'ont tout de même pas voté contre, à part trois d'entre eux, mais se sont abstenus, ayant sans aucun doute calculé qu'ainsi ils ne risquaient pas de mettre Jospin en minorité.
Après une telle " audace ", Alain Bocquet, président du groupe PCF à l'Assemblée, s'est d'ailleurs empressé de déclarer : " Il y a un problème de méthode, une sorte d'hégémonie rampante du PS, mais les Communistes ne quitteront jamais la majorité plurielle ". Voilà Jospin rassuré. D'ailleurs le PS aide le PCF à jouer le jeu. Il accepte de laisser paraître quelques petites mesures en matière de budget de la Sécurité sociale comme des concessions faites au PCF : 2,2 % d'augmentation au lieu de 1,7 % sur le minimum vieillesse, relèvement du plafond de la CMU de 3 500 F à 3 600 F, allégement dégressif de la CSG pour 1,4 fois le SMIC au lieu de 1,3 fois, abrogation de la loi Thomas - qui n'avait jamais été appliquée - sur les fonds de pension...
Autant de "mesurettes" que le PCF va pouvoir mettre au compte de la " pression " qu'il exerce au gouvernement et de son " intransigeance ". De la même façon qu'il a pu s'attribuer la baisse - très - momentanée de 20 centimes de l'essence... après qu'elle ait augmenté de plus d'un franc ! Cette fois il est vrai au prix d'une petite démonstration de rue, après s'être assuré toutefois qu'il était bien tard pour rejoindre la masse de ceux qui ne l'avaient pas attendu pour manifester leur mécontentement.
Ce petit jeu de l'opposition, le PCF le joue aussi à propos des salaires. Il le prétend du moins, et une grande partie des médias fait comme si elle y croyait. Mais là encore " l'audace " est plus que relative. Le PCF revendique 6 % sur le SMIC... On est loin des 8 500 F mis en avant à une époque par la CGT ! Le PCF ne parle d'ailleurs que du SMIC et pas des autres salaires.
Le Parti Socialiste, en réponse et dans la perspective du sommet de la gauche plurielle programmé pour le 7 novembre, a fini par proposer d'indexer le SMIC sur la croissance, et le PCF s'est montré intéressé. Pour Paul Magnon, membre du collège exécutif et chargé des relations avec les partis de gauche : " Cela reste à préciser, mais s'il s'agit de faire progresser le SMIC de 3,5 % (comme le PIB), c'est plutôt positif ". Ajoutant tout réjoui : " En une semaine, le Parti Socialiste, qui ne voulait pas entendre parier de hausse des salaires, a beaucoup évolué ". Il oublie de dire que depuis 1990, SMIC et croissance ont évolué de la même façon, on en voit le résultat. Sans compter qu'avec un retour de conjoncture, une telle indexation pourrait fort bien s'effectuer au détriment des smicards. Il n'y a qu'en prenant sur les profits des grandes entreprises, passés et présents, qu'à coup sûr les salariés seraient gagnants. Mais ce n'est pas plus un objectif pour le PCF que pour le PS.
Le PCF voudrait avoir la couleur de l'opposition, le goût de l'opposition, mais sans être une véritable opposition. S'il voulait l'assurance de ne pas voir sa politique confondue avec celle du gouvernement Jospin, c'est 8 500 F qu'il revendiquerait pour le SMIC et au moins 1 500 F pour tous les autres salaires et les minima sociaux.
Avec le risque, ou plutôt la chance, qu'en proposant à la classe ouvrière de tels objectifs, son opposition puisse sortir des discussions de salon ou des couloirs de Matignon et déboucher dans les usines et dans la rue. Ce qui ne saurait déplaire aux travailleurs les plus combatifs. Et parmi eux, sans doute à nombre de militants de base et d'électeurs du PCF.