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Convention UNEDIC : Le Medef exaucé, avec la bénédiction de Jospin
Ce qui apparaissait comme une certitude, après le coup de fil nocturne de Jospin à Seillière, le président du Medef, le 15 octobre, n'a effectivement pas traîné. La procédure d'agrément de la nouvelle convention Unedic a été engagée par le gouvernement le 28 octobre.
Après quelques mois de tergiversations, les simagrées gouvernementales ont pris fin dans les délais qu'il s'était fixés. A deux reprises, en juillet et en septembre, Aubry et Fabius avaient refusé d'entériner le texte initial. Cela n'était, à l'évidence, que partie remise. Le 14 septembre Seillière avait réaffirmé avec arrogance que, pour le patronat, il n'était pas question de " laisser vider de son contenu et détruire le système mis en .uvre pour le simple plaisir d'avoir un agrément ". Ce à quoi le cabinet d'Aubry avait répliqué que si les signataires de la convention se contentaient d'aménagements cosmétiques, l'Etat ne donnerait pas son aval.
Ces répliques qui relèvent du théâtre de boulevard n'ont pas tenu longtemps. Dans la version qui " satisfait " maintenant le gouvernement, on peut dire qu'en dépit des modifications de vocabulaire, l'essentiel de ce qui tenait à c.ur au patronat a été préservé.
Alors qu'actuellement plus de la moitié des chômeurs ne touchent aucune indemnité, les patrons ont engagé cette nouvelle convention d'assurance-chômage, accompagnée du " Plan d'aide au retour à l'emploi " (Pare), qui ne vise pas à améliorer l'aide aux chômeurs en élargissant le champ et l'importance de l'indemnisation, mais qui au contraire aboutira, à terme, à la réduire et à la rendre plus précaire. En effet avec cette nouvelle convention les chômeurs seront bien plus encore sous la menace de perdre toute indemnité s'ils refusent un emploi correspondant à " leurs capacités professionnelles " (selon la nouvelle formulation adoptée ; mais qui détermine ces " capacités " ?), même si cet emploi est assorti d'un salaire bas ou d'un contrat tout à fait précaire.
Cette convention de l'Unedic profitera également au patronat d'une autre façon. En effet, la moitié des excédents de recettes de la caisse d'assurance chômage sera affectée, non à augmenter le nombre des chômeurs indemnisés ou le montant des indemnisations, mais à réduire les cotisations patronales. Comme on le constate, cette convention qui s'inscrit dans une prétendue " refondation sociale " améliorera bien plus le sort des patrons que celui des chômeurs. Car si les patrons ont reculé par rapport à leurs projets initiaux, ce n'est pas pour autant qu'ils sont revenus à la situation de départ, pourtant loin d'être satisfaisante. L'introduction de formulations plus floues, le report de la date où les réductions des charges sociales patronales prendront effet n'empêchent pas que la situation des chômeurs deviendra encore plus précaire, et les conditions et la durée de leur indemnisation plus aléatoires, alors que dans le même temps la contribution patronale sera plus légère.
Mais la victoire des patrons n'est pas que financière et juridique. Elle est aussi politique et morale. Car c'est dans le cadre choisi et imposé par le Medef à Notat, à la CFTC, à la CGC, et désormais à Jospin que la discussion s'est de bout en bout située.
La dirigeante de la CFDT en a conclu que : " Signer un accord, c'est amener le patronat à des engagements. [...] La vie contractuelle a besoin de signataires dans le camp patronal et dans le camp syndical ". Une manière de dire qu'avec la CFDT version Notat le camp patronal n'a rien à craindre, il est assuré de trouver à tous les coups un avocat presque bénévole, car lorsque la CFDT annonce le lancement d'une campagne intitulée " Pare, le bon plan pour retrouver un emploi ", elle compte bien que ce plan assurera des sinécures plus nombreuses pour elle-même.
Quant aux confédérations CGT et FO, qui n'ont pas signé la convention, elles se sont cependant bien gardées de mettre leur poids militant à encourager et à préparer les travailleurs à contrecarrer la mise en place du plan concocté par le Medef. Le 20 octobre, le dirigeant de la CGT, Bernard Thibault, demandait encore à Jospin d'organiser une réunion de l'ensemble des syndicats et du patronat sous l'égide du gouvernement pour " clarifier l'interprétation " du nouveau projet de convention Unedic. Il déclarait aussi avoir " demandé à ce que le gouvernement prenne une initiative [...] pour que chacun exprime son opinion sur les conséquences et la lecture qu'il a du projet de convention ". Encore disait-il, le texte " laisse d'énormes ambiguïtés ". Comme si la volonté du patronat et la soumission du gouvernement n'étaient pas évidentes dès le départ, comme il est évident que les patrons n'ont en rien abandonné leurs exigences.
Quant à la confédération FO, son refus actuel cache bien mal son désir de maintenir le paritarisme, c'est-à-dire de préserver le cadre qui permet au Medef de pratiquer son chantage et de rester maître du jeu.