- Accueil
- Lutte ouvrière n°1685
- L'éditorial d'Arlette LAGUILLER : Vaches folles... et économie démente !
Editorial
L'éditorial d'Arlette LAGUILLER : Vaches folles... et économie démente !
En quelques jours, la tentative consciente ou pas d'un négociant en bétail d'envoyer aux abattoirs une vache qui s'est révélée atteinte de la fameuse maladie de la " vache folle ", la vente par des grandes surfaces de viande (peut-être contaminée) provenant du même troupeau, comme la découverte de plusieurs cas de cette maladie dans des élevages français, ont provoqué des craintes légitimes.
Dans le monde des commentateurs, c'est à qui proposera sa " bonne idée " : il faudrait que les scientifiques mettent au point des tests plus fiables (mais est-ce scientifiquement possible à court terme ?), il faudrait soumettre dans les abattoirs toutes les bêtes à ces tests (mais que faire d'elles en attendant les résultats ?), etc. Sans parler du coût pour les contribuables de la généralisation de tels tests.
Mais il y a par contre une mesure qui s'imposerait et que n'évoquent jamais les responsables de la santé publique : l'interdiction de toute farine animale dans les aliments destinés aux animaux d'élevage. Car si celles-ci sont effectivement prohibées en ce qui concerne les bovins, elles ne le sont pas dans les aliments destinés aux porcs et aux volailles.
Pourquoi le gouvernement ne l'a-t-il pas déjà fait ? Simplement parce que cela nuirait aux intérêts économiques de toutes les sociétés qui, dans ce pays, fabriquent des aliments pour animaux d'élevage et qui sont souvent des filiales de trusts agro-alimentaires. Et parce que les intérêts du capital passent avant ceux de la population.
Car à supposer que les porcs et les volailles ne soient pas susceptibles de transmettre la maladie aux hommes (ce que l'on pensait des bovins il n'y a pas si longtemps), qui pourra empêcher un éleveur indélicat de donner à ses vaches des aliments officiellement destinés à des porcs ? Qui pourra garantir que des aliments destinés aux bovins n'auront pas été accidentellement contaminés chez le fabricant par des farines destinées aux porcs ?
Une telle interdiction ne coûterait rien à l'Etat.
Interdire toute utilisation des farines animales suffirait-il à juguler l'épidémie ? Peut-être pas. Mais ce serait une bonne application de ce " principe de précaution " sur lequel les pouvoirs publics ne s'appuient que lorsqu'il ne met pas en cause les intérêts économiques de tout ou partie de la classe capitaliste française.
Les salariés, eux, n'ont pas droit à cette sollicitude de nos dirigeants. De plan social en plan social, des dizaines de milliers de travailleurs ont été licenciés ces dernières années. Quand on leur a donné une explication, on leur a dit qu'il fallait accepter, dans l'intérêt général, pour permettre la modernisation de leur entreprise, pour faire face à la concurrence internationale. Mais il est clair que ce n'était que pour permettre à ces mêmes entreprises d'engranger encore plus de bénéfices.
C'est que l'Etat, quand il intervient dans la vie économique, y compris quand il se penche sur les problèmes de santé publique, le fait toujours avec la préoccupation de défendre, autant que faire se peut, les intérêts de la bourgeoisie... Ses ministres et ses hauts fonctionnaires dussent-ils se retrouver un jour devant la Haute Cour de justice (comme dans l'affaire du sang contaminé), s'ils ont trop sous-estimé les risques qu'ils faisaient prendre à la population.
Nous vivons dans une société qui fait de la course au profit, c'est-à-dire de l'égoïsme le plus sordide, le moteur de l'économie. C'est un système économique dément, le système capitaliste, où l'on trouve normal qu'un bourgeois ferme une usine, jette à la rue des milliers de salariés, ruine parfois une région entière, pour accroître ses richesses personnelles.
Au nom du " principe de précaution ", il serait grand temps de remplacer le système capitaliste, on ne peut plus nuisible, par une économie qui se donnerait pour tâche première de satisfaire les besoins de tous les hommes, en se débarrassant du profit, c'est-à-dire de la propriété privée des grandes entreprises.