Il y a 25 ans - Maroc : La " marche verte " de Hassan II27/10/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/10/une-1685.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Il y a 25 ans - Maroc : La " marche verte " de Hassan II

Il y a vingt-cinq ans, fin octobre - début novembre 1975, le roi du Maroc Hassan II lançait 350 000 hommes et femmes à la reconquête des fameuses " provinces du Sud ", à savoir le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole en passe de devenir indépendante. Orchestrée au plus haut niveau par le pouvoir, cette " marche verte ", (pacifique parce que les marcheurs étaient armés du seul Coran), ouvrait la voie à l'occupation militaire du Sahara occidental quelques mois plus tard. Depuis, l'armée marocaine quadrille les territoires occupés, surveille les populations nomades sahraouies, participe au pillage des richesses du sous-sol saharien, emprisonne et assassine les militants indépendantistes.

Une " marche civile "...

Cette " marche de reconquête " portait bien son nom puisqu'elle visait à conquérir pour le compte du monarque dictateur, cette colonie espagnole, riche en phosphates et en fer, que l'ancien colonisateur était contraint de quitter à l'époque. Pour réussir son coup de poker diplomatique, et prendre de vitesse l'Espagne comme le jeune mouvement nationaliste sahraoui (le Front Polisario était apparu en 1973), la monarchie chérifienne joua la carte de " l'union nationale ", et s'appuya sur une propagande nationaliste sans précédent. En suscitant les passions chauvines, Hassan II faisait ainsi d'une pierre deux coups, rétablissant derrière sa personne l'unité nationale afin de consolider son trône, tout en tentant de faire oublier à son peuple la misère dans laquelle il vivait. L'exemple venant d'en haut, cette propagande fut relayée, avec efficacité, par tout l'appareil d'Etat, des éléments zélés du ministère de l'Intérieur aux plus petits chefs de villages de l'Atlas.

Oubliant pour la circonstance leur opposition timide à l'une des dictatures les plus féroces du Maghreb, les partis de gauche comme l'Union socialiste des forces populaires (USFP) enfourchèrent alors le cheval de bataille nationaliste et se montrèrent encore plus guerriers que le roi lui-même. C'est ce qui permit à la monarchie de mobiliser des centaines de milliers de pauvres pour participer à une opération à laquelle ils n'avaient aucun intérêt.

... organisée par la monarchie chérifienne

Cette marche n'avait donc rien de spontané. Hassan II avait décidé que 350 000 personnes devaient y participer, 350 000 y participèrent ! Chaque ville dut envoyer son contingent de " volontaires " : 25 000 pour Marrakech, 20 000 pour Ouarzazate, 15 000 pour Tarfaya, 18 000 pour Tiznit etc. Plus favorables à la monarchie, les provinces du sud furent sollicitées en priorité. Le tout fut bien encadré par les hommes du pouvoir. Comme en témoigne un gouverneur qui participa à la Marche verte, l'appareil d'Etat intervint " depuis l'inscription des volontaires jusqu'au retour des marcheurs chez eux, en passant par leur départ vers le Sahara, leur stationnement sur les lieux de campement ", sans oublier le ravitaillement organisé par l'administration centrale. L'état-major de la gendarmerie royale organisa les convois de marcheurs vers le Sahara. Ainsi les gouverneurs, les milliers d'officiers supérieurs des Forces armées et de la gendarmerie royale chapeautèrent la " marche pacifique " de centaines de milliers de personnes recrutées parmi les couches les plus déshéritées de la société pour le plus grand bénéfice politique du dictateur.

Après le départ des troupes espagnoles en 1976, le Maroc récupéra le nord et le centre du Sahara occidental dont la capitale ; la Mauritanie, le Sud. Le Front Polisario proclama alors une République arabe sahraouie démocratique (RASD) reconnue par l'Algérie qui convoitait, elle, un débouché maritime sur la façade atlantique. La guerre des sables commença alors entre le Front Polisario et l'armée marocaine. Puis lorsque la Mauritanie abandonna ses prétentions sur la partie du Sahara occidental qu'elle occupait, Hassan II envoya ses troupes annexer le sud des territoires sahariens.

Quel avenir pour le peuple sahraoui ?

Aujourd'hui, Mohammed VI (comme feu son père Hassan II) refuse toute autodétermination du peuple sahraoui et bloque le référendum d'autodétermination du Sahara occidental, de crainte que les tribus nomades refusent sa dictature. Depuis un quart de siècle, l'occupation militaire des territoires sahariens pèse lourdement sur la monarchie marocaine. Car entretenir une armée de 200 000 hommes sur place pour quadriller la population sahraouie coûte cher, très cher (environ 20 % du budget). également très élevé est le prix à payer pour favoriser l'installation des Marocains dans les villes du Sahara et organiser l'émigration des Sahraouis vers l'intérieur du pays afin d'inverser le rapport entre les populations, développer les infrastructures routières, portuaires et urbaines dans le but de pérenniser l'occupation militaire, lui donner un caractère irréversible et rendre ainsi tout retour en arrière impossible. Les classes pauvres des villes et des campagnes marocaines, qui vivent dans le dénuement le plus complet, en payent indirectement le prix, encore aujourd'hui, à cause du retard économique qu'accuse le pays, tandis que les fonctionnaires ont dû verser, pendant des années, une partie de leur salaire pour la cause nationale du Sahara.

Aujourd'hui, les tribus nomades sahraouies sont passées de la domination coloniale espagnole à celle de la monarchie chérifienne qui perdure. Certes, entre les formes de dépendances successives et la création d'un minuscule Etat vulnérable, aucune des solutions envisagées ne semble être très satisfaisante. Cependant, ce n'est pas aux puissants Etats voisins intéressés par les richesses du sous-sol de décider de l'avenir du Sahara occidental, mais bel et bien au peuple sahraoui de prendre en main son propre sort.

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