Sahara occidental : Vers l'abandon définitif du référendum d'autodétermination ?20/10/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/10/une-1684.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Sahara occidental : Vers l'abandon définitif du référendum d'autodétermination ?

Fin septembre, à Berlin, une énième réunion regroupant Maroc, Front Polisario, Algérie et Mauritanie, s'est tenue sous l'égide des Nations unies pour discuter de l'organisation du référendum d'autodétermination du Sahara occidental. Elle s'est soldée par un échec.

Prévu pour l'été 2000, ce référendum devait permettre aux populations nomades sahraouies de se prononcer soit en faveur de l'indépendance du Sahara occidental (ex-Sahara espagnol), soit en faveur du rattachement des territoires sahariens au Maroc. Son organisation vient donc d'être repoussée aux calendes grecques et une fois de plus, les droits élémentaires du peuple sahraoui à l'autodétermination viennent d'être bafoués.

L'hostilité permanente de la monarchie marocaine - qui tente par tous les moyens d'empêcher l'organisation d'un tel référendum - en est la cause principale. Rabat en avait cependant accepté le principe en 1991. Sans cesse repoussé depuis, le référendum devait se dérouler sous les auspices de l'ONU, qui maintient au Sahara occidental des observateurs dans le cadre de la Mission des Nations unies pour le référendum du Sahara occidental (Minurso). Cette dernière avait réussi à recenser les votants appartenant aux tribus nomades et en avait retenu 86 000. Ce résultat a été contesté par la monarchie marocaine qui a man.uvré jusqu'au dernier moment pour faire enregistrer des tribus lui ayant prêté allégeance afin d'influer sur le résultat référendaire. Le nouveau roi, Mohammed VI, flanqué d'un gouvernement aux ordres, suit ainsi les traces laissées par Hassan II et revendique à cor et à cri la " marocanité " des territoires sahariens, à savoir les fameuses " provinces du Sud ".

La monarchie marocaine a toujours joué double jeu et n'a jamais eu l'intention de reconnaître une république sahraouie indépendante. Car sinon pourquoi maintiendrait-elle, encore aujourd'hui, au Sahara l'essentiel de son armée, soit 200 000 hommes (auxquels s'ajoutent 200 000 colons) et y consacrerait-elle plus de 20 % de son budget ? Cette occupation militaire qui dure depuis près d'un quart de siècle avait débuté en novembre 1975, lorsque le pouvoir orchestra " la marche verte ", une marche de plusieurs centaines de milliers d'hommes strictement encadrés par l'armée pour récupérer les territoires sahariens. A l'époque, un accord avait été signé entre l'Espagne (l'ancienne puissance coloniale), la Mauritanie et le Maroc qui instaurait le partage du Sahara occidental. Le Maroc occupa militairement le nord du Sahara occidental, puis annexa le sud lors du désengagement de la Mauritanie. Depuis, la guerre entre la puissance occupante et les nationalistes indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l'Algérie voisine, n'a cessé d'être entrecoupée de cessez-le-feu et de négociations diplomatiques avortées.

L'occupation militaire du Sahara occidental coûte donc très cher au Maroc, soit 1/5e du budget ; cela est énorme compte tenu que plus de la moitié de la population marocaine est analphabète, que 13 % d'entre elle vit sous le seuil de la pauvreté et que 15 % des actifs sont au chômage ! Ces sommes considérables, englouties au Sahara, pourraient être bien évidemment utilisées au développement économique et social du pays.

Mais cette volonté de se maintenir au Sahara occidental à tout prix à bien d'autres raisons. Elle s'explique, certes, par les rivalités politiques avec l'Algérie voisine mais surtout par les richesses que recèle le sous-sol saharien (phosphates, fer, voire hydrocarbures). On comprend dès lors pourquoi la monarchie marocaine s'oppose farouchement à tout référendum dont l'issue incertaine pourrait remettre en cause sa domination sur le Sahara.

Pour sortir de l'impasse, les Nations unies, par la voix de son secrétaire général Kofi Annan, n'ont rien trouvé de mieux que de proposer une " troisième voie " qui ferait du Sahara occidental un territoire rattaché au Maroc dans le cadre d'une très large autonomie. Le référendum d'autodétermination ne serait donc plus à l'ordre du jour et on évoque en haut lieu le spectre des massacres au Timor oriental pour justifier cette volte-face ! Il faut une sacrée dose de cynisme et un réel mépris pour les peuples pour affirmer cela. Depuis près d'un quart de siècle, l'armée marocaine d'occupation exerce une répression brutale à l'encontre des populations et des militants nationalistes sahraouis. Arrestations arbitraires, passages à tabac des manifestants, tortures et disparitions de militants indépendantistes se sont multipliés, sous les yeux impuissants, voire complices des observateurs de la Minurso.

Cette capitulation de fait face aux exigences de la monarchie marocaine qui bénéficie de l'appui de l'impérialisme français, et cette reconnaissance quasi officielle de l'occupation militaire du Sahara occidental par son armée, risquent fort de remettre en cause le cessez-le-feu en vigueur depuis 1991 et d'être à l'origine de nouvelles hostilités. Car il n'est pas dit que les populations sahraouies, qui se sont battues depuis près d'un quart de siècle, acceptent aussi facilement de se laisser faire, et de se laisser dépouiller de leur droit le plus élémentaire à décider de leur sort.

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