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Israël et les Arabes israéliens : Les raisins de la colère
Les habitants des territoires occupés par Israël (Cisjordanie et Gaza) se trouvent à nouveau en première ligne face aux soldats et policiers de l'Etat hébreu. Mais, depuis la provocation du politicien d'extrême droite Ariel Sharon sur l'esplanade des mosquées, à Jérusalem, et la répression sanglante des manifestants et civils palestiniens qui s'en est suivie et qui n'a cessé depuis, Israël connaît une mobilisation sans précédent de la partie arabe de sa population.
Un Israélien sur cinq...
En effet, si Israël compte six millions d'habitants, un sur cinq est arabe. Il s'agit des Palestiniens que n'ont pas fait fuir les pogromes et massacres qui ont accompagné la création de l'Etat d'Israël en 1947-1948. S'y ajoutent des habitants de Jérusalem-Est, annexée en 1967, qu'ils soient nés depuis " israéliens " ou qu'ils aient demandé cette nationalité pour échapper aux multiples interdictions et brimades infligées aux Palestiniens des territoires occupés.
L'Etat d'Israël n'a jamais vraiment cherché à intégrer cette composante arabe de sa population, car la logique nationaliste du sionisme, développée par les dirigeants d'Israël depuis l'origine, s'y oppose. Mais, jusqu'à présent, les autorités se vantaient de certains succès en ce domaine. Elles se targuaient d'assurer aux Arabes israéliens un niveau de vie supérieur (ce qui n'est pas difficile) à celui des habitants des territoires occupés. Quant à la population juive d'Israël, ses gouvernants avaient fini par la persuader de la loyauté à leur Etat des Arabes israéliens, quelle que soit la politique menée contre les Palestiniens.
D'où les commentaires étonnés et inquiets de certains journalistes quand, pour la première fois depuis des années, les Arabes d'Israël ont fait cause commune avec ceux de Gaza et de Cisjordanie, en affrontant la police et l'armée israéliennes.
Interdits, brimades et exclusion
Mais si, dès le 1er octobre, les villes arabes de Gallilée et les villages alentour ont connu de violents affrontements avec des dizaines de morts et un nombre encore plus grand de blessés, il ne faut pas s'en étonner. Depuis toujours, les gouvernements israéliens successifs font tout pour leur rappeler leur statut de citoyens de second ordre en Israël.
Il y a d'abord les interdits légaux qui les frappent. A commencer par celui de posséder une arme alors que chaque citoyen juif d'Israël, parce qu'il est mobilisable en permanence en théorie, détient au moins son arme de guerre personnelle. La population arabe israélienne n'a pas non plus le droit de servir dans " son " armée. Même sa fraction druze (tolérée dans certaines armes car jugée plus sûre du fait qu'elle aurait une religion autre que l'islam) reste exclue des unités de choc ou de prestige.
Or l'accomplissement du service militaire conditionne souvent l'accès à la fonction publique, ce qui exclut, de fait, les Arabes israéliens de tels emplois. Ceux qu'ils occupent, les plus mal payés sauf exception, se situent au bas de l'échelle sociale : petits employés du commerce et des services, ouvriers agricoles des kibboutzim.
Quant à ceux qui ont des terres, ce sont celles dont les Israéliens n'ont pas voulu dans le passé, tandis qu'aujourd'hui les implantations juives se développent à leur détriment, d'une façon qui rappelle ce qui se passe dans les territoires occupés. Et Barak, juste avant l'explosion de colère actuelle, avait réitéré son veto au retour chez eux des Palestiniens chassés de leurs terres, qui sont les parents, amis et voisins des Arabes d'Israël.
Comment ceux-ci, dans ces conditions, n'auraient-ils pas le sentiment d'être des semi-parias, victimes de mille et une injustices et brimades ? Cela sans oublier le racisme dont ils sont victimes quotidiennement. Ce racisme entretenu ouvertement par des pans entiers de la société israélienne s'est manifesté, ces derniers jours, par l'assassinat de civils arabes aux cris de " A mort les Arabes ! " dans plusieurs villes et bourgades israéliennes. Et même à Ha.fa, ce grand port industriel où les Arabes israéliens pouvaient se sentir moins discriminés que dans le reste du pays. Enfin, que dire du fait que le maire de Jérusalem, Ehud Olmert, a dû demander aux habitants juifs de la ville " de ne pas s'attaquer à leurs voisins arabes [...] car cela conduirait à une épouvantable catastrophe " !
La grande majorité des Arabes israéliens avaient voté pour Barak en espérant qu'il mène une autre politique que celle de Netanyahou vis-à-vis des Palestiniens. Mais ils n'ont pas tardé à déchanter. Le " socialiste " Barak a formé son gouvernement, entre autres, avec des représentants des partis sionistes et intégristes les plus réactionnaires et anti-arabes, refusant la moindre place aux élus du cinquième de la population d'Israël.
Alors, devant la flambée de colère de " sa " population arabe, Barak peut prétendre que " les événements des derniers jours ont été orchestrés par des groupes extrémistes ", c'est la politique même de Barak, sa complicité avec le bourreau de Sabra et Chatila, Sharon, et finalement toute la politique des dirigeants sionistes qui ne peuvent que dresser contre eux les habitants arabes d'Israël.