SNCF - La manifestation du 19 octobre : Sur quels objectifs ?13/10/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/10/une-1683.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

SNCF - La manifestation du 19 octobre : Sur quels objectifs ?

La journée de grève du 28 septembre a été ressentie, à juste titre, par les cheminots comme un succès, d'autant plus que la direction SNCF a lâché 0,4 % d'augmentation supplémentaire (ce qui fait 0,8 % sur l'année) et surtout une prime " exceptionnelle " de 1 000 F pour tous. Même si c'est très loin de suffire, cela fait toujours plaisir !

Cela dit, les directions syndicales avaient décidé de s'en tenir là et n'envisageaient pas du tout d'essayer de donner une suite à cette journée, alors que pourtant les salaires et les augmentations nécessaires restaient - et restent toujours - l'objet de la plupart des discussions. Aujourd'hui, une autre journée est en préparation, certes, mais sur un tout autre sujet.

Les fédérations syndicales CGT, CFDT, FO, CFTC, SUD-Rail, UNSA et FGAAC (syndicats autonomes des agents de conduite) appellent les cheminots à une " manifestation nationale unitaire " le 19 octobre à Paris. Le dépôt d'un préavis de grève pour les sédentaires est prévu, mais pas pour les roulants, sous prétexte de permettre aux cheminots de province d'avoir des trains pour venir manifester...

Les fédérations syndicales préparent depuis plusieurs mois cette journée, qui a des chances de regrouper beaucoup de cheminots, mécontents de la situation actuelle et y compris inquiets des projets de la direction, des risques de démantèlement ou de privatisation de la SNCF, avec les mauvaises conséquences que cela impliquerait, selon toute vraisemblance, pour les travailleurs.

Cette journée est placée, par les directions syndicales, sous le signe du refus des directives européennes. Actuellement en discussion au Parlement de Strasbourg, les propositions de la Commission européenne visent à ouvrir les réseaux ferrés européens à la concurrence, en fixant les règles pour l'exploitation des infrastructures ferroviaires avec des objectifs comme " le paiement par les usagers de la totalité des coûts réels des équipements qu'ils utilisent ".

Pourtant, il n'est pas juste de tout réduire aux directives européennes comme le font trop souvent les directions syndicales. La course à la rentabilité de la direction SNCF ne date pas d'aujourd'hui. Elle se poursuit depuis des années. Elle a entraîné la suppression de dizaines de milliers d'emplois, la suppression de nombreuses lignes de trains jugés non rentables, le remplacement de dessertes ferroviaires par des services d'autobus plus ou moins adaptés, etc. Quant au démantèlement de la SNCF, ce n'est pas nouveau non plus. Au printemps 1997, la création du RFF (réseau ferré de France) pour éponger l'endettement de la SNCF a permis d'en faire le nouveau propriétaire des voies, qui fait désormais payer un péage à la SNCF pour l'utilisation du réseau. Cette division a été suivie plus récemment par la filialisation du Sernam.

Les réorganisations internes actuellement en cours vont dans le même sens. Certes, elles peuvent s'appuyer sur des directives européennes et sont à l'image de ce qui se fait dans les autres pays européens, en Allemagne et en Italie notamment. En France, elles consistent à diviser la SNCF par activités : le trafic marchandises (fret), les transports régionaux (TER), la banlieue parisienne (Idf), les Grandes Lignes (TGV, trains de nuit, etc.). Lorsque cela sera effectif, chaque secteur sera autonome financièrement et devra donc avoir " le souci d'améliorer l'équilibre économique ", avec les différences qu'on connaît entre une gare TGV et un ensemble de petites gares de banlieue. Des établissements seront donc bénéficiaires, d'autres réussiront tout au plus à équilibrer leurs comptes, d'autres pas... Et la perspective d'une privatisation des secteurs rentables se dessine clairement. La séparation entre les vendeurs de cartes oranges et ceux qui font les billets et réservations TGV pourrait se traduire par un changement de statut des cheminots concernés. Beaucoup d'autres secteurs, comme les ateliers d'entretien et les dépôts, deviendraient éventuellement des sous-traitants des commerciaux des grandes gares, etc.

Ces risques de démantèlement et menaces de privatisation qui se dessinent à la SNCF comme dans tous les grands services publics ne sont pas l'oeuvre exclusive de " l'Europe libérale " (en Angleterre, il n'y a pas eu besoin de directives européennes pour privatiser le réseau ferré). La responsabilité de l'Etat est engagée et la gauche plurielle ne fait là que poursuivre la politique initiée par Juppé.

Les décisions de Bruxelles et de Strasbourg fournissent des alibis à la direction de la SNCF et au gouvernement Jospin pour faciliter la mise en oeuvre de cette politique. Une politique et des objectifs avoués qui inquiètent la majorité des cheminots. Dans ce contexte, la manifestation du 19 octobre a donc bien des chances d'être nombreuse. Mais pour être réussie, il faudrait qu'elle exprime également les revendications en matière de salaire et d'embauche qui restent celles des travailleurs du rail et qu'elle ne se contente pas de s'en prendre aux directives européennes, ce qui reviendrait à dédouaner Gallois et le gouvernement Jospin, qui se moquent du sort des cheminots comme des besoins de la population en matière de transports publics.

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