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Leur société
Roissy : Une victime de la chasse aux immigrés
Une fois de plus vient d'être révélé un drame mettant en cause les conditions lamentables dans lesquelles sont retenus les immigrés que la police s'apprête à expulser.
En juillet dernier, une Sierra-léonaise enceinte de huit mois et demi a vu mourir le bébé qu'elle attendait lors de sa rétention à Roissy en zone d'attente. Aïssatou Sidibé effectuait un simple transit entre son pays et New York, où elle espérait rejoindre des proches. Son passeport ayant été reconnu comme un faux, la police de l'air et des frontières l'emmena dans un de ses postes à l'aérogare, puis, après de longues heures, à l'hôtel Ibis où sont entassés les immigrés dans son cas. Le lendemain soir, il fallut l'hospitaliser à l'hôpital de Bondy, où les médecins constataient la mort de son enfant. Les policiers nient bien sûr toute responsabilité. Mais Aïssatou, elle, dit les avoir prévenus en vain qu'elle avait besoin de soins. Non seulement ils ne la firent pas hospitaliser, mais ils tentèrent de la remettre de force dans un avion pour Conakry et, devant son refus, la battirent, affirme-t-elle.
Ce n'est pas la première fois que de tels faits sont mis à jour. Dans des zones comme celle de Roissy, les étrangers auxquels on refuse l'admission sur le territoire, même pour un simple transit, peuvent être retenus vingt jours. Les quatre premiers jours ils sont sous l'autorité absolue de la police, et ce n'est qu'au bout de cette période qu'ils voient un juge qui peut prolonger leur rétention pendant deux périodes de huit jours. Ce sont les dispositions d'une loi prise en 1992 par le socialiste Paul Quilès, et qui prévoit également que les associations d'aide aux immigrés ne peuvent pas tenir de permanence dans ces zones. Tout au plus ont-elles droit à huit visites par an.
Autant dire que la police peut pratiquement faire ce qu'elle veut ! Et manifestement, elle ne s'en prive pas. Au mois de mars dernier, des associations d'immigrés et des syndicats de magistrats dénonçaient dans un rapport les violences policières " insultes, notamment racistes, humiliations et tabassages ". Vêtements déchirés, bosses, hématomes accompagnent régulièrement les tentatives d'embarquement forcé. Les immigrés en attente d'expulsion s'entassent dans les poste de police de l'aérogare, dans des locaux exigus et sans aération, où l'odeur est suffocante. La nuit, entre 2 heures et 5 heures du matin, ils peuvent être transférés à l'hôtel Ibis, mais ce n'est guère mieux. Les fenêtres sont bloquées, il est impossible d'aérer, et souvent il n'y a pas de chauffage. A tel point qu'en décembre 1999 un juge, après être venu sur les lieux se rendre compte de la situation, avait refusé de prolonger le maintien en zone d'attente de quinze demandeurs d'asile, jugeant leurs conditions de rétention " attentatoires à la dignité ".
Cela fait des années que dure cette situation, des années qu'elle fait régulièrement des victimes et que des voix s'élèvent pour la dénoncer, mais rien ne change. Et l'attitude de la police en la matière ne fait que refléter le mépris qu'ont en réalité tous les gouvernants pour les immigrés qu'ils font expulser.