Epargne salariale : Et maintenant les salaires flexibles13/10/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/10/une-1683.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Epargne salariale : Et maintenant les salaires flexibles

Les députés viennent d'adopter la première mouture d'un texte visant à développer l'épargne salariale. Pas de fausse joie, il n'y est pas question d'augmenter sérieusement les salaires pour que ceux qui le souhaitent puissent mettre un peu d'argent de côté. Non, le but semble plutôt de développer les possibilités de distribuer un complément de rémunération, dépendant des résultats de l'entreprise, et échappant en grande partie aux charges sociales. Plusieurs dispositifs de ce type existent déjà : participation, intéressement, stock-options... mais apparemment, cela ne suffit pas.

Pour de nombreuses raisons, le patronat est intéressé par cette forme de rémunération. D'abord, elle est flexible : il peut la faire varier comme il l'entend, en fonction des comptes de l'entreprise - dont il maîtrise complètement la présentation - et la distribuer de façon très hiérarchisée, voire individualisée, c'est-à-dire, dans une certaine mesure, à la tête du client.

Et puis traditionnellement, comme elle ne se présente pas comme un vrai salaire, l'épargne salariale est en grande partie exonérée de charges sociales. Tant pis pour la Sécu, les caisses de chômage et de retraite, dont on nous dit pourtant en permanence qu'elles sont au bord de la faillite.

Sur ce point, le PC avait menacé de ne pas voter le texte. Il réclamait que les versements patronaux au titre de l'épargne salariale donnent lieu à des charges à hauteur de 16 %. En fait, après négociation, le texte ne prévoit que 8,2 % de charges sociales, versées au fonds spécial de réserve pour les retraites. Et encore, le prélèvement ne s'appliquerait qu'à partir d'une somme versée de 15 000 F. Les entreprises qui pratiquent ce genre de " primes " versant en moyenne 5 000 à 6 000 F par an à leurs salariés, la plus grande partie échappera donc aux charges sociales.

Par ailleurs, les sommes versées seront bloquées pendant dix ans (ou plus) contre cinq ans, par exemple, pour la participation. Et le texte original prévoyait que l'épargne salariale nouvelle formule pourrait déboucher sur le versement d'une rente. Autrement dit, il instaurait très directement ces fameux fonds de pension dont certains chantres du capitalisme nous affirment qu'ils sont la solution miracle pour les retraites. La création de fonds de pension a été jusqu'ici rejetée, entre autres par le PC à cause de son caractère très inégalitaire : les plus riches, qui peuvent mettre de l'argent de côté, pourraient se constituer une vraie retraite, alors que les autres devraient se contenter du minimum vital.

Le texte a finalement été légèrement modifié, et cette épargne sera versée aux salariés au bout de dix ans (ou plus) sous forme d'un capital... sauf si l'intéressé demande à ce que le versement soit fractionné, c'est-à-dire transformé en rente ! Et ce mauvais jeu de mots et les petites concessions sur les charges patronales ont suffi pour que le PC finisse par voter l'ensemble du texte...

Le patronat rêve de ce qu'il appelle une plus grande souplesse des salaires. Il aimerait pouvoir verser des salaires fluctuants, aléatoires et très hiérarchisés. C'est d'ailleurs ce qu'il pratique quand il distribue des stock-options : une pincée pour les salariés (parfois), le gros paquet pour les hauts cadres (toujours). En plus, en favorisant cette forme de rémunération, qui amène finalement une toute petite partie des actions des entreprises dans les mains des salariés, il les embarque dans l'aventure boursière. Actuellement, la Bourse n'en finit pas de monter, mais rien ne dit qu'elle ne va pas redescendre, voire s'effondrer. Ce jour-là, il y a fort à parier que l'épargne salariale sera la première à s'envoler en fumée.

Nous n'en sommes pas là. Actuellement la fameuse épargne salariale reste malgré tout marginale. Les versements sous cette forme sont d'ailleurs plafonnés à 30 000 F par an. Mais c'est quand même un petit pas dans le sens des rêves patronaux.

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