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Serbie : Une défaite pour Milosevic ?
Même si leur annonce officielle est sans cesse repoussée par le régime de Belgrade, les résultats du premier tour de l'élection présidentielle dans la République fédérale de Yougoslavie (Serbie-Monténégro) le 24 septembre semblent bien donner la victoire au candidat de la coalition d'opposition (Opposition démocratique de Serbie - ODS) Vojislav Kostunica. Ë lui seul, ce délai apporté par la clique au pouvoir pour donner sa version des résultats confirmerait bel et bien la défaite de Milosevic, face à laquelle celui-ci cherche apparemment à gagner du temps ;sa dernière manoeuvre visant à imposer un deuxième tour va dans le même sens.
Milosevic avait convoqué autoritairement ces élections dans le but de se maintenir à la présidence de la fédération serbo-monténégrine au-delà du terme initial de son mandat (dans quelques mois), pour une nouvelle durée de quatre ans, renouvelable une fois. Son premier réflexe aura donc consisté à revendiquer la victoire dès les premiers résultats partiels. En 1996 déjà, il avait voulu nier les résultats des élections municipales en Serbie parce que l'opposition l'avait emporté dans une série de villes - ce qui avait été à l'origine des grandes manifestations de l'hiver suivant.
Victoire de l'opposition ?
On peut certes comprendre qu'une partie importante de la population, au moins dans les villes, en ait suffisamment assez de la misère générale et de l'intimidation policière pratiquée par le régime pour que son mécontentement se soit cristallisé contre Milosevic et ait bénéficié à son principal rival.
L'appui des Occidentaux à Kostunica a sans doute pesé aussi. Ce n'est pas un mystère que, tout comme les Etats-Unis aident financièrement le pouvoir dissident du Monténégro à tenir la tête hors de l'eau, il a aussi, de même que l'Union européenne, largement apporté son aide aux partis de l'opposition en Serbie, par exemple via les municipalités qu'ils détiennent, les médias qui les soutiennent, ou en matière de sondages (qui n'ont pas cessé, ces derniers temps, de prédire la victoire de Kostunica).
Pour autant, cela ne signifie pas que Milosevic se retrouve démuni. Sans parler même de l'exploitation qu'il peut faire du conflit latent avec le Monténégro, il peut aussi vider la fonction présidentielle de Kostunica de contenu réel, si, avec ses associés - le parti de Mira Markovic, sa femme, et le parti ultra-nationaliste de Seselj - il continue à dominer les Parlements fédéral et serbe. Il peut aussi considérer et imposer (avec l'aide de l'armée, le cas échéant ?) que son mandat actuel à la tête de la Yougoslavie s'exerce encore pendant plusieurs mois... ou encore recourir à des provocations pour tenter de faire annuler le scrutin.
La responsabilité des puissances impérialistes
Cela dit, les puissances impérialistes ont montré une hâte remarquable, pour ne pas dire suspecte, à annoncer la victoire de Kostunica et à s'en féliciter. Elles peuvent s'appuyer même sur sa simple annonce, quelles qu'en soient les suites. Politiquement, cette victoire électorale fournit la façade " démocratique " que les Etats-Unis et l'Europe souhaitent en Serbie. Elle confère une autorité légitime, selon leurs critères, à une figure de l'opposition à Milosevic. D'autant que Kostunica n'aurait paraît-il pas un passé aussi chargé que Vuk Draskovic, par exemple, en matière de compromissions avec le régime. Et, d'autre part, l'Union européenne avait annoncé d'avance qu'elle lèverait ses sanctions contre la Serbie en cas de victoire de l'opposition aux élections - ce pour quoi certains au moins de ses dirigeants cherchaient un moyen convenable depuis déjà un moment.
Mais il n'empêche que ces mêmes puissances, avec leurs bombardements de 1999, avec leur embargo économique, sont largement responsables du fait que, jusque-là, Milosevic a pu conserver une forte emprise sur la population du pays. Car cela l'a aidé à resserrer les rangs autour de lui, à mener une violente propagande dénonçant systématiquement toute opposition, toute critique, comme émanant de " traîtres à la Serbie vendus à l'étranger ", fomentateurs de complots pro-occidentaux contre la patrie... Toute la vie politique en Serbie est imprégnée de xénophobie et de nationalisme, y compris dans les rangs de presque tous les opposants connus. Kostunica a pris bien soin de se démarquer de Washington, de l'OTAN, du Tribunal de La Haye, ennemis de " la malheureuse nation serbe ". L'anti-américanisme constitue apparemment l'essentiel de son programme.
Ce qui peut se passer maintenant en Serbie est bien incertain, et peu probablement synonyme de victoire pour les classes populaires, même si Milosevic devait finir par être évincé, ce qui n'est même pas acquis.