Les aveux posthumes de Méry : Les politiciens bourgeois... et les intérêts qu'ils servent29/09/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/09/une-1681.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Les aveux posthumes de Méry : Les politiciens bourgeois... et les intérêts qu'ils servent

Les confidences enregistrées sur une cassette vidéo par feu Jean-Claude Méry, membre du RPR chargé de collecter des fonds pour son parti auprès des entreprises, et qui accusent Jacques Chirac, ancien maire de Paris et actuel président de la République, d'avoir participé, ou au moins eu connaissance, du financement illégal du RPR, se sont également retournées contre le Parti Socialiste, au travers de l'ex-ministre des Finances, Dominique Strauss-Kahn, qui aurait sans doute préféré une toute autre manière de faire son retour en politique.

Qu'a-t-on appris ? Au fond, peu de choses que l'on ne savait déjà. Le promoteur Jean-Claude Méry collectait des fonds pour le RPR auprès des entreprises qui, en retour, obtenaient ainsi des marchés publics concernant les HLM de Paris.

Tout cela était en fait connu. D'ailleurs, lors des uniques élections législatives où les grandes entreprises avaient pu financer officiellement les candidats (en même temps que ces financements étaient rendus publics), celles de 1993, on a pu voir que les principales entreprises du pays, et en tête celles qui ont besoin d'accéder à des marchés publics, distribuaient de l'argent aux politiciens susceptibles de leur ouvrir ces marchés. Les Bouygues, Dumez, Vivendi ou Lyonnaise des Eaux le faisaient largement, sans oublier aucun des grands partis, même s'ils donnaient plus généreusement au RPR et à l'UDF.

Mais la confession de Méry, et c'est ce qui explique la fièvre qui vient de s'emparer du monde politique, désigne explicitement Chirac comme ultime responsable à l'époque où il était maire de Paris.

Mais le sourire de l'équipe Jospin s'est figé quand elle a appris (ou fait mine d'apprendre) que l'original de cette cassette avait été remis à Strauss-Kahn quand il était ministre de l'Economie, peut-être en échange d'une réduction d'impôt accordée au couturier Karl Lagerfeld. Strauss-Kahn a démenti ce dernier point. Mais le voilà inculpé pour recel de preuves de justice. Pour sortir de ce mauvais pas, il joue, sans convaincre, les grands négligents : il aurait égaré la cassette sans même l'avoir regardée.

Le Parti Socialiste a d'autant plus de mal à sortir de ce mauvais pas que tout le monde sait qu'il a cultivé le même type de financement que le RPR. Les scandales de ces dernières années ont bien montré que les partis principalement concernés par ces pratiques étaient le RPR, l'UDF et le Parti Socialiste. Et pour cause, ce sont les principaux partis de gouvernement susceptibles de recevoir des fonds privés en échange de fonds publics.

Et c'est aussi parce que les politiques des uns et des autres se distinguent de moins en moins que les " affaires " ont pris une telle ampleur dans la bataille que ces partis se livrent pour conquérir ou conserver leurs postes. A défaut de programme différent, il ne leur reste, en guise d'arguments, qu'à se jeter à la figure des dossiers empoisonnés.

Il reste que s'il existe des partis peu regardants sur les moyens pour trouver de l'argent et des intermédiaires qui y trouvent leur compte, c'est qu'il y a, d'abord et avant tout, des entreprises qui font des offres. Méry parle de commissions de 1 à 1,5 % du montant des marchés obtenus récupérés pour alimenter les caisses noires des grands partis. En échange, les entreprises intéressées s'entendent entre elles, se partagent les marchés, et, en l'absence de concurrence réelle, imposent des prix exorbitants aux offices d'HLM.

Elles réalisent de cette façon des profits d'une rentabilité bien supérieure à la commission versée aux politiciens. Et, dans ce système, elles ne sont ni contraintes ni forcées par les politiques, comme certains font mine de le croire, elles sont tout au contraire les premières intéressées au maintien de ce système générateur de corruption, puisque les marchés publics garantissent leurs profits.

Tout cela fait scandale, et à juste titre, car cela lève un coin du voile sur les véritables intérêts que défendent ces politiciens. Mais il faudra bien plus qu'une loi sur le financement des partis, et bien plus que des enquêtes, aussi approfondies soient-elles, de la part des juges Halphen, Joly et autres, pour mettre un terme à ce système et " moraliser la vie politique ", comme on dit. Il faudra purement et simplement abolir un système politique et social basé sur le profit, dont les partis de gouvernement ne sont que les chargés d'affaires complaisants et serviles.

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