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- Lutte ouvrière n°1681
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Tribune de la minorité
Ils vont finir par pousser trop loin le bouchon !
Ces camarades ont demandé à se constituer en tendance structurée ou, autrement dit, en fraction.
C'est pourquoi ils s'expriment dorénavant chaque semaine à cet endroit, dans les colonnes de notre hebdomadaire, parfois pour défendre des opinions identiques ou semblables à celles de la majorité, parfois pour défendre des points de vue différents.
Jamais peut-être la cohabitation n'avait atteint une telle promiscuité. A peine le journal Le Monde a-t-il publié, contre Chirac, le contenu des révélations enregistrées sur cassette par l'ancien homme d'affaires du RPR, Jean Claude Méry, que le pavé est retombé dans l'auge du Parti socialiste. Et c'est l'ancien ministre des finances de Jospin, Strauss-Kahn, qui est à son tour éclaboussé pour avoir détenu, sans rien en dire, la maudite cassette qu'il s'était fait offrir à titre personnel par un avocat d'affaire, ami commun de Méry et de lui, en même temps qu'il aurait concédé, en tant que ministre, une généreuse ristourne sur le redressement fiscal d'un grand couturier, client du même avocat. Cousu de fil blanc !
Mais à vrai dire les aveux posthumes de Méry sur les pots-de-vins engrangés par le parti de Chirac dans le cadre des marchés publics de la ville de Paris et de la Région Ile-de-France ne sont des révélations que pour le grand public. Strauss-Kahn n'était pas seul à tout savoir, en attendant le moment propice pour s'en servir. Il y en a au moins un qui a dégainé avant lui. Et pour cause : d'après les déclarations de l'ancien collecteur de fonds du RPR, Méry, confirmées par son homologue de l'époque pour le PS, Gérard Monate, les autres partis présents au Conseil régional de l'Ile-de-France, en premier lieu le PS, avaient eu leur quote-part des commissions accordées par les industriels.
Les protagonistes de ce nouveau feuilleton n'ont probablement pas fini de se renvoyer la balle. Et s'il y a quelque chose de bien révélateur, c'est à quel point tous ces hommes politiques, de droite comme de gauche qui alternent au pouvoir sont impliqués dans les mêmes affaires et les mêmes combines, au service des mêmes grands trusts qui les financent, eux et leurs partis, parce qu'ils leur offrent les marchés d'Etat et font leur politique.
Et pendant qu'ils déballent en public une partie de leur linge sale, c'est sous leur égide que l'offensive du patronat contre la classe ouvrière continue. Certainement le plus grand scandale.
Car tous voudraient continuer leurs sales coups contre les travailleurs et les chômeurs.
Malgré leur " reprise économique ", les plans de licenciements continuent à tomber.
Malgré leur " croissance ", les salaires restent bloqués et les 35 heures à la sauce Aubry continuent à s'installer dans les entreprises, avec ristournes de charges sociales pour le patronat, mais clauses de " gel " ou " blocage " des salaires pour les travailleurs.
Malgré leurs bonnes affaires, ils voudraient faire trinquer encore davantage les chômeurs avec ce PARE que Medef et syndicats cherchent à concocter dans les salons où ils se rencontrent. Et même si à ce jour seules la CFDT, la CFTC et la CGC ont signé, et que CGT et FO s'y sont refusées, même si à ce jour le gouvernement qui ne veut pas se mettre mal avec les non-signataires chipote sur son accord, tout ce beau monde en tout cas cherche la façon la plus inodore, la plus discrète d'imposer aux chômeurs de prendre n'importe quel travail, pour n'importe quel prix.
Mais voilà, quelques grains de sable viennent déranger tous ces calculs et dispositifs, bousculer cette politique du gouvernement et du patronat, dont les directions syndicales sont complices ou auraient bien aimé pouvoir l'être en toute quiétude.
Les patrons routiers et quelques autres, avec leur fronde contre la hausse du prix de l'essence, ont amené bien des travailleurs à se dire " Et nous ? " Oui, il serait urgent de faire sauter toutes ces taxes et impôts indirects qui touchent les plus pauvres ! Oui, il serait urgent de gagner davantage ! Les travailleurs en auraient bien plus besoin que les patrons transporteurs. Ce mécontentement sur les salaires et sur les effectifs, perceptible, est certainement ce qui a décidé les responsables syndicaux à donner un peu plus de relief aux revendications de salaires et autres. Et ceux de la SNCF et de la RATP ont appelé à des journées de débrayages. Certes bien timidement, puisqu'il a suffi que la direction de la RATP promette d'avancer un peu le calendrier des quelques embauches et de la mise en place des jours de repos prévus dans le cadre de l'application des 35 heures pour qu'une partie des syndicats, CFDT, CFTC et même la CGT des conducteurs de bus, mais pas celle des conducteurs de métro, retirent ou hypocritement " suspendent " leur mot d'ordre de grève.
A la SNCF la journée de grève du 28 septembre à laquelle appellent l'ensemble des organisations syndicales devrait être plus largement suivie. Et d'autres secteurs pourraient et devraient s'y mettre.
C'est le moment. Ceux qui nous gouvernent sont dans de petits souliers. Car par-dessus le marché, ils viennent d'essuyer les résultats de leur rocambolesque affaire de référendum, dont les travailleurs et quelques autres, à leur façon, ont su faire le meilleur usage. Ont su exprimer combien ils en avaient ras l'bol. Jamais en effet l'abstention n'avait été aussi importante et aussi politique.
Patrons et gouvernement sont certainement prêts à tous les coups contre les travailleurs et les chômeurs, mais pas incapables néanmoins d'interpréter ces signes quelque peu inquiétant pour eux qui ont marqué la vie politique ces dernières semaines.
Et si la classe ouvrière profitait de l'avantage ?