Serbie : Milosevic et les élections du 24 septembre22/09/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/09/une-1680.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Serbie : Milosevic et les élections du 24 septembre

Le 24 septembre, dans la République fédérale de Yougoslavie de Milosevic (RFY, c'est-à-dire la Serbie et le Monténégro), plusieurs consultations électorales sont prévues - dans un climat que le régime a tout fait pour rendre critique. Son objectif est évidemment de renouveler le pouvoir de Milosevic selon des formes "légales" auxquelles apparemment il tient.

Initialement, seules des élections municipales serbes étaient prévues pour cet automne. Mais le régime a choisi, au cours de l'été, de les regrouper avec l'élection à la présidence fédérale et avec les élections législatives, prévues à des dates ultérieures. Le but de la manoeuvre : permettre à Milosevic de briguer un nouveau mandat à la tête de la RFY. La Constitution en vigueur ne le lui permettait pas.

Qu'à cela ne tienne : le 6 juillet dernier, il a réuni le Parlement, qui a immédiatement adopté des amendements à cette Constitution prévoyant désormais l'élection du président fédéral au suffrage universel direct, pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois... Milosevic peut prétendre s'assurer ainsi, d'un coup, un nouveau mandat et peut-être pour huit ans.

C'est évidemment un coup de force constitutionnel.

Il comporte un autre aspect : c'est une véritable provocation dirigée contre les dirigeants dissidents du Monténégro, qui sont déjà depuis des mois sous la menace plus ou moins forte d'une intervention armée de Belgrade. Une provocation parce que la Serbie compte environ huit millions d'habitants, contre 650 000 pour le petit Monténégro. Autant dire qu'avec l'élection du président au suffrage universel direct (de même que celle des députés fédéraux, ce qui a été l'objet d'un autre des amendements constitutionnels de juillet), le Monténégro ne pèsera pas grand-chose dans ce qui est encore formellement une fédération (même si les relations étaient déjà tendues, et distendues aussi d'ailleurs puisque, par exemple, les dirigeants monténégrins ont introduit le mark comme monnaie sur leur territoire...).

Le dirigeant du Monténégro - un ancien protégé de Milosevic, soit dit en passant - a réagi en appelant à boycotter les élections fédérales du 24 septembre, avec interdiction faite aux médias monténégrins de couvrir la campagne, et en déclarant qu'il ne reconnaîtrait pas les institutions fédérales qui devraient en sortir.

Ainsi, la tension qui est montée au cours de ces derniers mois risque-t-elle d'atteindre un point critique dans la période qui vient. Ce ne serait pas la première fois que Milosevic utiliserait sciemment l'arme de la menace de la guerre pour exploiter le nationalisme serbe au profit de son maintien au pouvoir. L'ex-Yougoslavie est une sanglante peau de chagrin.

La répression s'est aggravée en Serbie

Le régime de Milosevic et de son clan a pris soin en outre de préparer ces élections en renforçant sa dictature en Serbie même.

La répression juridico-policière contre les médias un tant soit peu indépendants du pouvoir, qui n'est certes pas nouvelle, s'est intensifiée depuis les bombardements de l'OTAN et notamment au cours des derniers mois. Le régime a fait multiplier les procès arbitraires, avec de très lourdes amendes à la clé, les contrôles restrictifs sur la distribution du papier pour les journaux ... Et y compris se sont multipliées les intimidations et agressions physiques contre des journalistes que les médias aux ordres accusent de former la " cinquième colonne " de l'OTAN, et qu'il faudrait selon eux " décontaminer ".

Depuis le mois de mai, le journaliste Miroslav Filipovic est incarcéré, accusé par un tribunal militaire d'espionnage et de diffusion de fausses nouvelles. Il était réputé pour ses enquêtes sur l'armée, et il avait fait état de témoignages d'officiers sur des dissensions internes dans l'armée et sur des atrocités commises au Kosovo. Le 26 juillet, il a été condamné à 7 ans de prison pour cela !

Par ailleurs, de nouvelles lois scélérates ont été promulguées, sur les conditions de l'information et contre le"terrorisme"au profit de"puissances étrangères". Les pressions en tout genre se sont exercées sur les juges (il y a eu des limogeages par le Parlement serbe pour cause de suspicion de sympathie envers l'opposition), sur les universités. Les étudiants du mouvement Otpor (Résistance), apparu depuis l'automne 1998, sont constamment harcelés, arrêtés, agressés.

Le régime serbe compte aujourd'hui un policier pour 70 habitants (contre un pour 380 en Allemagne, par exemple).

Alors, la frénésie nationaliste assure peut-être toujours une certaine base au régime, mais de plus en plus, et en particulier dans les villes, c'est aussi sur la peur qu'il joue.

Dans de telles conditions, il est impossible de prévoir ce que sera le résultat et surtout ce que sera le lendemain des élections. Que ferait Milosevic s'il était battu à la présidentielle ? On peut douter qu'il céderait tranquillement le pouvoir...

Certains sondages prévoient un succès, ou un succès partiel, de l'opposition. Celle-ci est divisée par ses habituelles rivalités (d'un côté, une coalition intitulée " Opposition démocratique de Serbie" ou ODS, et de l'autre le Mouvement du renouveau serbe de Vuk Draskovic).

Le mouvement étudiant Otpor n'a aucun autre programme particulier, mais les partis politiques non plus, pour qui tout se résume à battre Milosevic aux élections. Sur la question du nationalisme, ils se situent tous sur le même terrain que Milosevic, même si le candidat de la coalition ODS (Kostunica) se montre plus modéré, plus conciliant envers l'impérialisme, que son rival du parti de Draskovic qui se revendique de la tradition des combattants nationalistes serbes de la Deuxième Guerre mondiale, les tchetniks, et dénonce les " traîtres qui ont vendu le Kosovo ".

Les peuples et les travailleurs de Serbie n'ont rien à en attendre. Leur avenir n'est pas du côté de ces drapeaux-là.

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