Russie : " eux ne coulent pas "... pour l'instant ?25/08/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/08/une-1676.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : " eux ne coulent pas "... pour l'instant ?

C'est en s'appuyant, entre autres, sur l'armée - et de quelle façon, la guerre de Tchétchénie l'a montré -, que Poutine avait promis, lors de sa récente élection présidentielle, de " restaurer la grandeur de la Russie ".

Saoûler les peuples de fumée, rappelle depuis plus d'un siècle L'Internationale, est une méthode de gouvernement qui ne date pas d'hier. Mais, cette fois, face au naufrage du Koursk, les autorités ont tellement abreuvé l'opinion de mensonges et affiché un tel cynisme que cela pourrait bien se retourner contre elles. Et ce serait bien une des rares choses que les dirigeants russes n'auraient pas volée.

En tout cas, pour l'heure, une bonne partie de la presse russe, pourtant au garde-à-vous devant Poutine depuis son élection, donne le ton. Ainsi, le quotidien populaire Moskovski Komsomolets qui a titré récemment à la Une, sous une photo de Poutine, de son ministre de la Défense et du commandant en chef de la Flotte, " Eux ne coulent pas ". Ou le quotidien économique Kommersant, qui tirait, le 23 août : " Qui est contre une journée de deuil officiel ? Les familles et proches des marins morts ", avec la photo de Poutine tirant une tête de six pieds de long, lui qui avait cherché à se dédouaner en proposant un tel deuil officiel.

Cela reflète-t-il l'émotion, voire l'indignation d'une fraction notable de l'opinion ? Cela se pourrait, même s'il est difficile de le mesurer d'ici. Et plus encore les conséquences que cela pourrait avoir pour le pouvoir de Poutine, bien moins populaire que ne le prétendait la presse occidentale, et affaibli aux yeux de la population par la prolongation d'une guerre de Tchétchénie qui se transforme en bourbier sanglant.

En revanche, on imagine sans peine que les clans dirigeants russes - et ce sont eux, bien sûr, qui inspirent une presse qu'ils contrôlent - vont se servir de ces événements pour régler, une nouvelle fois, leurs comptes entre eux, et tous avec le nouvel occupant du Kremlin, Poutine, affaibli par son attitude face à la tragédie du Koursk.

Au sommet, des hommes du Kremlin ont tenu à se démarquer publiquement de Poutine. Des ténors de la chambre des députés, une Douma où il dispose pourtant d'une confortable majorité, l'ont attaqué et exigent des commissions d'enquête, voire la mise sous tutelle parlementaire des forces armées. Et alors que Poutine comptait sur la Douma pour restaurer ce qu'il appelle la " verticale du pouvoir ", c'est-à-dire le pouvoir du centre jusqu'au fin fond du pays pour contrer celui des barons de l'administration provinciale, gouverneurs et autres présidents de républiques fédérées de Russie, il est encore plus probable qu'il va s'y casser les dents.

Bien sûr, Poutine va sans doute essayer de faire porter le chapeau à d'autres. Et des membres de la haute hiérarchie militaire, boucs émissaires tout désignés, risquent d'y laisser leur place. Mais la " verticale du pouvoir ", que Poutine se faisait fort de renforcer à son profit, si elle n'a pas plongé dans les eaux de la mer de Barents avec 118 malheureux sous-mariniers, n'a pas fini de tanguer dangereusement.

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