La tragédie du Koursk25/08/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/08/une-1676.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

La tragédie du Koursk

La tragédie du Koursk, ce sous-marin russe perdu corps et biens, avec ses 118 hommes d'équipage, a légitimement provoqué une large émotion dans l'opinion. À commencer, bien sûr, par celle de Russie. Mais il serait faux de penser que cette dernière a découvert une situation qu'elle aurait ignorée jusque-là.

En effet, la population russe n'a rien appris qu'elle ne connaissait déjà pour le subir quotidiennement. Elle n'a rien eu à découvrir de la dégradation de l'économie du pays. Elle ne pouvait rien ignorer du mépris des cadres de l'armée - qui, soit dit en passant, n'a rien à envier à celui de tous les corps des officiers des différentes armées du monde, professionnellement sélectionnés et entraînés à cacher leurs agissements, à mépriser les populations civiles ainsi que les soldats sous leurs ordres.

La population russe n'a pas eu à découvrir la pourriture, la corruption d'un appareil dirigeant, constitué de bureaucrates actuels ou anciens, dont l'unique souci, à tous les échelons, mais en particulier pour ceux qui sont haut placés, est de se partager - et pas forcément à l'amiable - les richesses du pays, en s'emparant parfois de pans entiers de l'économie, en trafiquant sur tout ce qui peut l'être.

Dans cette affaire, peut-être Poutine aura-t-il perdu de ce prestige que lui attribuent les commentateurs occidentaux et payera-t-il ses " maladresses " et son manque de compassion des premiers jours, qui, on peut en être sûr, n'est pas feint, à l'inverse de ses larmoyants et artificiels regrets d'aujourd'hui. Il faut le souhaiter. Sans oublier, toutefois, que ces simagrées ne sont pas une spécialité des dirigeants russes.

Elles sont monnaie courante pour les dirigeants de tous les pays, qui n'ont pas comme préoccupation première d'être populaires. Car leur rôle n'est pas de satisfaire les aspirations et les intérêts de la population, dont ils se prétendent les représentants. Des maladresses, des bavures ou même des infamies criminelles qui laissent derrières elles des centaines, voire des milliers de morts, victimes de leurs exactions directes ou indirectes, ils en commettent régulièrement. Et cela ne les empêche ni de dormir ni, généralement, de se maintenir au pouvoir. Faut-il rappeler la guerre du Golfe, il y a dix ans, qui, outre les victimes immédiates du conflit, continue à faire de tout le peuple irakien l'otage des grandes puissances ? Ou encore l'intervention des puissances impérialistes au Kosovo ?

L'autre aspect que la tragédie du Koursk met en évidence, alors qu'on nous répète que nous sommes désormais dans une ère de paix - relative il est vrai - que rien ne saurait remettre en cause, c'est que toutes ces grandes puissances continuent de fabriquer des armes. Des engins de mort, de plus en plus sophistiqués, de plus en plus efficaces dans leur capacité de faire des victimes, et du même coup, de plus en plus coûteux.

On constate que, dans ce domaine non plus, les Russes n'ont pas l'exclusivité et que d'autres sous-marins, anglais, américains, français, hantent en permanence les fonds marins. D'autres navires de guerre, tel " notre " fameux et poussif porte-avions atomique Charles-de-Gaulle, voguent en permanence sur les flots. Cela, sans oublier tout l'arsenal terrestre et aérien des grandes puissances.

L'argent que leurs dirigeants détournent de la poche des citoyens pour se payer ces sinistres jouets va enrichir les marchands de canons de ces différents pays. Mais l'existence d'un tel arsenal ne menace pas seulement les militaires qui servent ces engins de guerre. Et les puissances impérialistes ne sont pas les moins responsables de l'existence de cette poudrière qui menace notre planète.

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