IBM - ALTIS (Corbeil - 91) : Éthers de glycol, la direction rattrapée par les mauvaises odeurs25/08/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/08/une-1676.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

IBM - ALTIS (Corbeil - 91) : Éthers de glycol, la direction rattrapée par les mauvaises odeurs

Des dizaines de salariés inquiets ou en colère contactent la permanence : l'appel à témoignages lancé en plein mois d'août par un cabinet d'experts, et par la CGT d'IBM-Corbeil auprès des travailleurs d'IBM ayant été victimes de fausses couches ou ayant eu des enfants malformés a été entendu.

Plusieurs cas de cancers, de stérilité, de naissances d'enfants malformés ou encore de fausses couches ont déjà été recensés, comme celui de Mina dont l'enfant est né avec une grave malformation faciale. Mina travaillait à SOPRELEC à Bondoufle, une filiale d'IBM jusqu'en 1998, où étaient conditionnées des bouteilles d'éther de glycol pour IBM-Corbeil et nettoyées, à l'aide d'éther de glycol, les boîtes servant à stocker les tranches de silicium. Dans ces ateliers, il n'y avait aucune aération et l'atmosphère était saturée de vapeur.

Il s'agit maintenant de voir si tous ces salariés recensés ont bien été en contact avec des éthers de glycol. Car il existe une quasi-certitude scientifique concernant la responsabilité des éthers de glycol dans l'apparition de cancers, de stérilité, d'enfants naissant avec des malformations ou encore d'avortements spontanés chez les salariés exposés.

La direction d'IBM-France se dit " intéressée de connaître les conclusions " de l'appel à témoignages attendues fin octobre et assure que " la santé et la sécurité de ses collaborateurs sont une préoccupation essentielle et permanente ". Mais la direction est plus soucieuse de la santé de ses profits que de celle des travailleurs et le " clean concept ", c'est-à-dire le travail en atmosphère confiné avec port de gants, masques, cagoules et combinaisons obligatoires dans les lignes de production, a toujours eu comme objectif de protéger les puces, pas les travailleurs.

Dans les lignes de production, les anciens se demandent s'ils ont été en contact avec les éthers et quelles peuvent en être les conséquences. Les plus jeunes, récemment embauchés, sont également curieux et inquiets. Le médecin du travail passe maintenant dans les réunions de services dire aux salariés qui se poseraient des questions au sujet des éthers qu'ils viennent le voir. Tiens donc ! La direction craint-elle qu'ils aillent se confier ailleurs ?

Cette préoccupation est récente. Car IBM a systématiquement occulté les risques encourus par ses employés ou ses sous-traitants qu'elle n'a jamais informés ni mis en garde sur l'utilisation des éthers, même lorsque la CGT a posé le problème lors d'un CHS-CT en 1998.

Officiellement, IBM a cessé d'utiliser les éthers de glycol de série E, les plus dangereux, depuis 1994, suite à une étude qu'elle avait commandée à une université américaine. Pourtant, selon IBM, cette étude ne " faisait pas formellement de corrélation entre l'exposition à ces produits et de possibles conséquences sur la santé ". Or selon l'INSERM, l'Institut National de la Santé et de la Recherche médicale en France, " d'après ces deux grandes études de la fin des années 80, une exposition professionnelle à certains éthers de glycol augmenterait le risque d'avortement spontané ".

S'il n'y avait aucun danger, pourquoi un cadre d'IBM a-t-il été muté et rappelé à l'ordre par les dirigeants du groupe après avoir dénoncé ces risques dès 1965 ? Pourquoi les femmes travaillant au contact des éthers de glycol étaient-elles changées de service dès qu'elles tombaient enceintes ? Ce qui ne servait à rien, du reste : selon une agence de protection de l'environnement américaine, il suffit d'une journée d'exposition aux éthers de glycol pour mettre en danger le développement de l'embryon, et cela dès sa conception, c'est-à-dire bien avant que la femme ne sache qu'elle est enceinte !

Le Dr Brugère, alors chef de service à l'Institut Curie, s'était lui aussi inquiété du taux élevé de cancers ORL observé parmi les salariés d'IBM. Il en avait alerté à plusieurs reprises, en 1998, le Dr Baulande, médecin du travail d'IBM-Corbeil de 1980 à 1999. En vain. Interviewé à la télé il y a quinze jours, le docteur Baulande a réaffirmé qu'une étude des risques liés à l'utilisation des éthers de glycol " n'était pas justifiée ".

Des anciens salariés de Corbeil ont commencé à exiger, par lettre recommandée au médecin du travail de Corbeil, la publication des postes de travail où ils ont pu être exposés aux éthers de glycol. C'est un minimum. Mais pour connaître les risques qu'ils ont encourus, ou qu'ils encourent peut-être encore, les salariés d'IBM et d'Altis ont droit à une véritable enquête épidémiologique. La direction d'IBM doit rendre des comptes.

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